Interprétation

Protection du consommateur (Loi sur la), (RLRQ, c. P-40.1), art. 12

 

La Dépêche

ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) :  L'action collective déposée au nom des personnes physiques qui, après le 23 septembre 2012, ont dû payer des «frais de surcharge» lorsqu'elles ont utilisé une carte de débit pour l'achat de jetons à un casino de la Société des casinos du Québec est autorisée.

PROTECTION DU CONSOMMATEUR : Dans le contexte d'une demande d'exercer une action collective contre la Société des casinos du Québec, la thèse du demandeur souscrit à l'interprétation retenue voulant que le paiement par carte de débit soit une modalité de paiement et que les frais d'utilisation de celle-ci doivent être compris dans le prix annoncé pour l'achat de jetons; il a ainsi démontré une apparence de droit eu égard à l'article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur.

 

Résumé

Demande d'exercer une action collective. Accueillie.

 

La défenderesse exploite quatre casinos, dans lesquels elle utilise des instruments d'échange, notamment des jetons. Ces derniers, qui ont une valeur monétaire définie, peuvent être utilisés pour jouer aux jeux de tables, ou dans les restaurants, bars et boutiques ou être échangés aux caisses contre de l'argent comptant, sans frais. La défenderesse accepte de l'argent comptant ou une carte de débit pour acheter des jetons. Le demandeur désire obtenir l'autorisation d'exercer une action collective contre la défenderesse pour le remboursement des «frais de surcharge» imposés au consommateur à l'occasion de l'achat de biens ou de services avec une carte de débit. Selon lui, la défenderesse ne peut exiger un prix supérieur pour l'achat des jetons à celui qui est annoncé sur les jetons et sur son site Internet. Il demande donc le remboursement des frais de surcharge ainsi que des dommages punitifs de 100 $. Subsidiairement, il soutient que les frais de surcharge facturés par la défenderesse sont abusifs. Pour sa part, cette dernière prétend notamment que l'article 224 c) de la Loi sur la protection du consommateur est inapplicable puisque les frais qu'elle exige sont des «frais de commodité» pour le retrait d'espèces et non des «frais de surcharge» pour l'achat de jetons. Par conséquent, il s'agirait d'un service distinct offert au consommateur.

 

Décision

Tel qu'il est énoncé dans Stratos Pizzeria (1992) inc. c. Galarneau (C.S., 2015-05-08), 2015 QCCS 2353, SOQUIJ AZ-51180568, 2015EXP-1860, J.E. 2015-1020, le paiement par carte de débit (Interac) n'est pas un contrat de services distinct; il ne s'agit que d'une modalité de paiement permettant au consommateur d'acquitter sa facture. Le prix annoncé doit alors comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser, y compris les frais Interac. En l'espèce, la thèse en demande souscrit à cette interprétation. De plus, le demandeur a démontré que: 1) le contrat d'achat de jetons est un contrat de consommation régi par les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur; et 2) le prix exigé par la défenderesse pour les jetons est supérieur au prix annoncé par elle. D'autre part, étant donné que le commerçant ne peut annoncer un prix fragmentaire dans le contexte d'un achat, l'argument du demandeur voulant que la divulgation des frais de surcharge sur l'écran du terminal de point de vente (TPV) au moment de l'achat des jetons ne satisfasse pas aux exigences prévues à l'article 224 c) de la loi est défendable. Quant aux recours en remboursement et en réclamation de dommages punitifs intentés en vertu de l'article 272 de la loi, les allégations de la demande sont suffisantes pour les justifier. Par ailleurs, l'article 12 de la loi prévoit que: «Aucuns frais ne peuvent être réclamés d'un consommateur, à moins que le contrat n'en mentionne de façon précise le montant.» Cette disposition a pour but d'empêcher que le consommateur ne soit pris de court par l'effet d'une stipulation dont l'évaluation en dollars n'a pas été faite clairement. Ici, ce n'est qu'au moment du paiement que les frais de surcharge sont divulgués au consommateur, ce qui constitue une violation de cet article. Toutefois, le demandeur n'a pas fait la démonstration que les frais imposés par la défenderesse sont abusifs ou lésionnaires au sens des articles 8 de la loi et 1437 du Code civil du Québec. Ainsi, il y a une «apparence sérieuse de droit» uniquement quant aux prétendues violations des articles 224 c) et 12 de la loi. De plus, les questions communes sont claires et visent les éléments nécessaires afin d'établir ces prétendues contraventions. À l'égard de la composition du groupe, la définition proposée ne se limite pas aux frais de surcharge exigés par la défenderesse suivant l'achat des jetons mais vise toutes les transactions mettant en cause le paiement par carte de débit aux casinos. Par ailleurs, il n'y a pas d'allégations selon lesquelles la défenderesse exigerait des frais de surcharge sur d'autres transactions. En conséquence, la définition du groupe est reformulée comme suit: «Toutes les personnes physiques qui, après le 23 septembre 2012, ont utilisé une carte de débit pour l'achat des jetons à un casino de la Société des casinos du Québec inc. et qui ont payé des "frais de surcharge".» En ce qui concerne le critère énoncé à l'article 575 paragraphe 3 du Code de procédure civile, il est rempli puisque le nombre élevé de membres potentiels ayant effectué un paiement par carte de débit à un TPV exploité par la défenderesse pour l'achat de biens ou de services à ses casinos ainsi que la modicité de leurs réclamations rend difficile et peu pratique d'imposer l'institution de procédures individuelles pour ensuite, le cas échéant, les joindre. Enfin, la preuve non contestée permet au tribunal de conclure au caractère adéquat du demandeur pour remplir la tâche de représentant du groupe. Dans ces circonstances, il y a lieu d'accueillir la demande en autorisation.


Dernière modification : le 29 août 2017 à 9 h 15 min.