En bref

Une réserve de propriété prévue dans un contrat de vente à tempérament qui n'a pas été publiée est tout de même opposable aux tiers étant donné l'assujettissement du contrat à la Loi sur la protection du consommateur.

Résumé de l'affaire

Action en revendication d'un véhicule automobile. Rejetée. Demande reconventionnelle en réclamation d'une somme de 13 500 $. Accueillie en partie (2 500 $).

Le 22 août 2002, la défenderesse a vendu à tempérament un véhicule automobile à un dénommé St-Laurent. Le contrat devait être publié au registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM) mais ne l'a pas été en raison d'une erreur administrative. Le 23 août, St-Laurent, désireux d'emprunter la somme de 1 000 $, a fait transférer, à la Société de l'assurance automobile du Québec, la propriété de l'automobile à la demanderesse, propriétaire de Services Financiers IPC enr. (IPC). Le 30 août, il a signé un contrat de vente avec IPC, qui, le même jour, lui a loué l'automobile à raison de 300 $ par mois, avec une faculté de rachat de 1 000 $. IPC a seulement versé une somme de 1 000 $ à St-Laurent. Ce dernier a été arrêté en octobre 2002 et la demanderesse a appris que la défenderesse avait pris possession du véhicule. Le 21 novembre, la défenderesse a fait publier sa réserve au RDPRM. L'automobile est en sa possession depuis novembre 2002. La demanderesse a tenté de faire saisir l'automobile avant jugement, en décembre 2002, mais l'endroit où elle se trouvait est demeuré secret jusqu'à l'audience. La demanderesse souhaite être déclarée propriétaire de l'automobile. Elle soutient que le contrat de vente à tempérament est invalide en vertu de la Loi sur la protection du consommateur et que le titre de propriété lui est inopposable parce qu'il n'a pas été publié. La défenderesse, qui allègue également son droit de propriété en vertu de la réserve de propriété prévue au contrat de vente à tempérament, plaide la nullité du titre de propriété d'IPC, soutient qu'il s'agit d'une poursuite abusive et réclame une compensation pour perte de valeur de l'automobile, troubles et inconvénients, dommages exemplaires et honoraires extrajudiciaires.

Résumé de la décision

IPC ne peut invoquer la nullité du contrat de vente à tempérament du 22 août 2002 en vertu de la Loi sur la protection du consommateur puisqu'il s'agit d'une nullité relative qui peut être invoquée par le consommateur et que les procédures d'IPC ne l'allèguent pas. En ce qui concerne le défaut de publication de la réserve de propriété de la défenderesse, l'article 1745 du Code civil du Québec (C.C.Q.), qui exige une publication dans les 15 jours suivant la vente, ne s'applique pas aux contrats de vente à tempérament qui sont assujettis à la loi. Or, c'est le cas du contrat de la défenderesse. L'ambiguïté juridique qui existe à cet égard, étant donné la dualité des régimes de la loi et du code, devrait être clarifiée par le législateur. Ainsi, la réserve de droit est opposable.

L'opération réellement envisagée entre IPC et St-Laurent est un contrat de prêt de 1 000 $ financé à un taux mensuel de 30 %. IPC a acquis l'automobile à titre de garantie, avec la possibilité d'en remettre la propriété à St-Laurent après remboursement du prêt. Il s'agit donc en réalité d'un contrat de prêt garanti au sens de l'article 1756 C.C.Q. Or, le taux d'intérêt de 360 % par année est criminel au sens de l'article 347 du Code criminel. Ce taux est tellement abusif et immoral qu'il porte atteinte à l'ordre public économique de direction et doit être frappé de nullité absolue en vertu des articles 1411, 1413, 1417 et 1418 C.C.Q. Il est donc inopposable à la défenderesse. De plus, même s'il s'agissait d'une vente, celle-ci serait assujettie à la nullité découlant de la vente du bien d'autrui. L'automobile a donc toujours été et demeure sujette à la réserve de propriété de la défenderesse. Une somme de 1 500 $ est accordée pour la perte de valeur de l'automobile, et les dommages-intérêts pour troubles et inconvénients sont fixés à 1 000 $. La défenderesse n'a toutefois pas droit à une indemnité pour dommages exemplaires ni au remboursement des honoraires extrajudiciaires qu'elle réclame.


Dernière modification : le 20 avril 2004 à 12 h 23 min.