Signalement(s)

La défenderesse, qui s'est présentée auprès des demandeurs comme une firme de «construction projet management» dont les services leur permettraient d'obtenir une maison prête-à-monter en réalisant des économies substantielles, a effectué des représentations fausses ou trompeuses; ceux-ci obtiennent l'annulation du contrat ainsi que la restitution de la somme de 41 117 $ versée à la défenderesse, en plus de 5 000 $ en dommages-intérêts.

Les demandeurs obtiennent l'annulation des contrats conclus avec la défenderesse, une entreprise qui s'est présentée auprès d'eux comme une firme de «construction projet management» capable de leur fournir une maison prête-à-monter pour un coût 25 % inférieur à la moyenne; leur consentement a été vicié par les manoeuvres dolosives de la défenderesse.

Puisque la défenderesse a exercé des manoeuvres dolosives à l'égard des demandeurs, ceux-ci obtiennent l'annulation des contrats conclus avec elle; le tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire afin que la somme équivalant à la restitution corresponde à la valeur des bénéfices tirés et décide que ceux-ci n'ont rien à restituer.

Les défendeurs sont condamnés au paiement de 5 000 $ en dommages moraux pour avoir effectué des déclarations fausses et trompeuses qui ont vicié le consentement des demandeurs quant à la conclusion d'un contrat de construction d'une maison prête-à-monter.

Même si 2 des 3 défendeurs n'étaient pas des parties au contrat litigieux, leur responsabilité extracontractuelle à l'égard des demandeurs a tout de même été engagée puisqu'ils ont fait des déclarations mensongères et trompeuses à l'égard des demandeurs, qu'ils ont participé au même stratagème et que, dans les faits, il n'y a pas de distinction réelle entre eux.

Résumé

Demande en réclamation d'une somme d'argent (41 117 $), en dommages moraux (5 000 $) et en remboursement d'honoraires extrajudiciaires (25 811 $). Accueillie en partie (46 117 $). Demande reconventionnelle en réclamation d'une somme d'argent (23 969 $) et en remboursement d'honoraires extrajudiciaires (27 677 $). Rejetée.

Le 31 mai 2018, les demandeurs ont conclu avec la défenderesse Nicole Murray, qui faisait affaire sous la dénomination sociale de Maisons Paragon Homes Inc., plusieurs contrats, qui portaient notamment sur la gestion, le design architectural et l'achat, visant la construction d'une maison prête-à-monter. Les demandeurs ont conclu ce contrat après avoir été convaincus par Paragon, qui se présente comme une firme de «construction project management», qu'ils pourraient obtenir grâce aux services de cette dernière une résidence pour un coût 20 % à 30 % inférieur au prix normal exigé par un entrepreneur général. Paragon a également insisté sur son expertise en matière de fabrication de maisons prêtes-à-monter, en évoquant notamment le fait qu'elle détenait la propriété intellectuelle sur certaines des composantes exclusives, et s'est engagée à ne réaliser aucun profit sur les contrats des sous-traitants, la main-d'oeuvre et les matériaux utilisés dans le cadre du projet. Une fois les plans achevés, les demandeurs ont constaté que les budgets préparés par Paragon dépassaient ce qui avait été convenu lors de la conclusion des contrats, que cette dernière comptait réaliser des profits sur la majorité des matériaux utilisés et que la maison prête-à-monter, qui n'était aucunement fabriquée par celle-ci, ne constituait qu'un simple assemblage de matériaux offerts par différents fournisseurs, contrairement aux prétentions d'expertise faites à cet égard. Les demandeurs ont donc résilié les contrats et réclament la restitution des prestations versées à Paragon, en plus de dommages moraux. Ils demandent aussi le remboursement d'une partie de leurs honoraires extrajudiciaires, soutenant que la contestation des défendeurs est abusive. Paragon conteste le recours des demandeurs, affirmant qu'elle a respecté les contrats signés par les parties. Les défendeurs François Murray et Maisons Paragon invoquent aussi le fait que les contrats lient seulement les demandeurs à Paragon, et que, n'étant pas parties à ces contrats, leur responsabilité ne saurait être retenue. Ainsi, Paragon Homes Inc. et François Murray font valoir qu'ils ne sauraient être tenus responsables des préjudices causés aux clients. Enfin, au moyen d'une demande reconventionnelle, Paragon réclame l'indemnité de résiliation et le remboursement de ses honoraires extrajudiciaires.

 

Décision

L'article 253 de la Loi sur la protection du consommateur prévoit que la commission par un commerçant de certaines pratiques interdites fait naître une présomption que celles-ci ont eu un effet dolosif sur le consommateur. En l'espèce, les demandeurs ont été floués par les représentations fausses et trompeuses de Paragon. En effet, elles font d'abord naître, auprès d'un consommateur crédule et inexpérimenté, l'impression que Paragon est une entreprise d'ampleur dotée de grandes ressources et d'une véritable expertise. Or, cette impression est fausse. Paragon n'a pas, contrairement à ce qu'elle présente, d'établissements d'affaires destinés à rencontrer des clients, des architectes à son service, des brevets protégeant des procédés d'assemblage ni des activités de fabrication de pièces en usine. Quant aux économies de 20 % à 30 % mises de l'avant par Paragon, elles sont également trompeuses. Ces économies étaient tellement élevées que le défendeur Murray a conseillé aux demandeurs de présenter un budget surévalué à la banque afin d'augmenter leur financement. Également, lors de son contre-interrogatoire, ce dernier a admis que Paragon réalisait un profit sur la vente des matériaux en ajoutant une marge de 15 % à la facture reçue du technologue, et ce, à l'insu des demandeurs. Il s'agissait d'un fait important qu'elle ne pouvait passer sous silence, conformément à l'article 228 de la Loi sur la protection du consommateur. Le consentement des clients a été vicié par les manoeuvres dolosives de Paragon. Il s'agit de représentations fausses ou trompeuses au sens des articles 219 et 222 d) de la Loi sur la protection du consommateur. Ainsi, puisque les demandeurs ont prouvé que Paragon avait commis une pratique interdite, ils sont en droit de demander la nullité des contrats et des dommages-intérêts, en application de l'article 272 f) de la Loi sur la protection du consommateur. Le résultat aurait été le même s'il avait seulement fallu appliquer le Code civil du Québec (C.C.Q.), l'intention de tromper de la part de Paragon ayant été prouvée.

 

L'annulation du contrat entraîne la restitution des prestations reçues par les parties. Ainsi, les demandeurs devraient, en principe, restituer une somme équivalant à la valeur des services rendus par Paragon. Toutefois, ceux-ci, dont la préparation de budgets et l'obtention de soumissions de différents sous-traitants, n'ont plus aucune valeur pour les demandeurs. Compte tenu du dol, le tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire lui permettant de modifier les modalités de la restitution pour que celle-ci corresponde à la valeur des bénéfices que les demandeurs peuvent retirer des services fournis et décide que les demandeurs n'ont rien à restituer. Paragon, quant à elle, devra remettre la somme de 41 117 $ reçue des demandeurs. Les demandeurs pourront également obtenir 5 000 $ pour les troubles et inconvénients qu'ils ont subis, y compris le stress, le temps consacré à poursuivre le projet avec un autre entrepreneur et le retard du projet.

 

Quant à l'argument des défendeurs Murray et Maisons Paragon selon lequel ils ne peuvent être tenus responsables, à titre de tiers aux contrats, des préjudices allégués, il doit être écarté. La preuve démontre leur responsabilité extracontractuelle à   l'égard des demandeurs. En effet, c'est Murray qui a incité les demandeurs à contracter avec Paragon, de manière déraisonnable et avec mauvaise foi, en usant de représentations mensongères et trompeuses. Ces dernières constituent une faute extracontractuelle qui engage sa responsabilité personnelle en vertu de l'article 1457 C.C.Q. Quant à Maisons Paragon, elle était partie intégrante du stratagème mis au point par les défendeurs. De plus, dans les faits, il n'y avait pas de distinction entre Paragon et Maisons Paragon, et cette dernière a aussi diffusé, par l'entremise de Murray, des informations trompeuses qui ont causé un préjudice aux demandeurs. Sa responsabilité extracontractuelle est donc également engagée.

 

En revanche, les demandeurs ne peuvent obtenir un remboursement d'une partie des honoraires extrajudiciaires qu'ils ont déboursés puisque la contestation de Paragon ne peut être considérée comme abusive. Quant à la demande reconventionnelle de Paragon, considérant les conclusions quant à la demande principale, elle doit être rejetée.


Dernière modification : le 20 août 2023 à 12 h 36 min.