Résumé
Appel d'un jugement ayant rejeté une requête en modification d'une ordonnance de dévolution des biens. Accueilli.
Après que la Cour supérieure eut autorisé la vente des éléments d'actif de la débitrice, une société ferroviaire, l'appelante, qui exploite un service de train touristique sur une voie ferrée faisant partie de l'actif vendu, lui a demandé de modifier l'ordonnance de dévolution et de déclarer que le bail qui la liait auparavant à la débitrice était opposable à l'acquéreur, de façon à permettre la poursuite de ses activités. Le juge de première instance a décidé que le contrat en cause, malgré son intitulé et sa publication au registre foncier, n'était pas un bail, mais bien un contrat de services, soit une conclusion qui l'empêchait d'accorder la mesure de redressement recherchée.
Décision
Mme la juge Dutil: Lorsque plusieurs obligations se trouvent dans un même contrat, il est fort important, pour la qualification de celui-ci, de départager la prestation essentielle et les prestations accessoires. Pour ce faire, on peut examiner les termes du contrat, mais également tenir compte de l'intention des parties lors de la négociation. Or, en l'espèce, la preuve testimoniale démontre que l'obligation essentielle du contrat était l'accès par l'appelante au chemin de fer de la débitrice et non l'exploitation du train touristique par la débitrice au nom de l'appelante. En effet, cette dernière avait tout le matériel et le personnel nécessaires pour exploiter le train, à l'exception d'une voie ferrée, et ce n'est qu'en raison des pressions exercées par le syndicat de la débitrice qu'elle a accepté que des employés de cette dernière le conduisent. Le caractère accessoire de la fourniture de l'équipage s'infère également de plusieurs autres clauses de l'entente. En outre, on ne peut passer sous silence la clause autorisant l'appelante à publier le contrat au registre approprié, un droit auquel la débitrice a donné son accord et dont elle connaissait très bien la finalité, soit de rendre le contrat opposable aux tiers. Enfin, le fait que les trains de marchandises de la débitrice aient priorité sur le train touristique ne met pas l'appelante dans l'impossibilité d'avoir une jouissance paisible du bien loué au sens de l'article 1854 du Code civil du Québec puisque cela ne l'empêche pas d'offrir ses trois randonnées quotidiennes. Comme il s'agit d'un contrat de louage dûment publié, il y a lieu de le déclarer opposable aux tiers, y compris à l'acquéreur des éléments d'actif de la débitrice.


Dernière modification : le 10 août 2022 à 10 h 58 min.