en bref

Dans un contrat de crédit variable, la clause imposant une pénalité fixe pour retard de paiement est contraire à la loi.

résumé de l'affaire

Action en recours collectif pour la suppression de frais de crédit ainsi que la restitution de ceux déjà payés et en réclamation d'une indemnité pour dommages exemplaires. Accueillie en partie.

La demanderesse, une association coopérative ayant pour objet la protection des consommateurs, exerce un recours collectif contre la défenderesse, Service aux marchands détaillants ltée (HFC), qui a financé les achats faits par des consommateurs auprès d'un marchand de meubles dans le cadre d'un programme «Achetez maintenant et payez dans un an». Elle prétend que HFC a exigé des frais de crédit dont le taux variait de 26,9 % à 35,18 % et que ce pourcentage ne comprenait pas les frais additionnels réclamés si le paiement minimum mensuel était effectué en retard. Selon la demanderesse, cela constituait une présentation trompeuse des frais de crédit et du taux de crédit. Elle ajoute que le taux de crédit mentionné aux états de compte était inexact, en contravention de la Loi sur la protection du consommateur, abusif et lésionnaire. Elle réclame pour les consommateurs le remboursement des frais de pénalité de retard et des frais de crédit facturés ainsi qu'une indemnité pour dommages exemplaires.

résumé de la décision

La Loi sur la protection du consommateur, qui est d'ordre public, fait exception aux principes de droit commun édictés au Code civil du Québec. Elle doit recevoir une interprétation libérale afin d'atteindre son objectif. Les frais de retard sont ceux dont on traite aux articles 66 et ss. de la loi. Il est inexact de prétendre qu'ils sont imprévisibles et qu'ils ne peuvent être divulgués en tant que composantes des frais de crédit. En vertu de l'article 12 de la loi, de tels frais peuvent être réclamés au consommateur si le contrat en mentionne le montant. Quant à l'article 13, il ne s'applique pas. Les frais de crédit, qu'ils soient exigés à titre de pénalité ou de frais de retard, doivent être calculés de la manière prévue à l'article 91 de la loi. Comme le taux de crédit est l'expression des frais de crédit en pourcentage annuel, la défenderesse devait indiquer deux taux à son état de compte, soit celui en cas de plein paiement à échéance et celui en cas de défaut. En imposant une pénalité fixe de 10 $, peu importe la durée du retard ou le solde capital net dû, la défenderesse a imposé un taux de crédit réel variable allant de l'acceptable (début du prêt) à l'inacceptable (vers la fin du prêt). Le fait qu'un créancier n'impose pas toujours la pénalité n'en fait pas moins une clause contrevenant à la loi. En l'espèce, le taux de crédit n'a pas été compilé conformément à la loi et l'effet potentiel d'une pénalité sous forme de somme fixe était abusif. Cela justifie la suppression et la restitution des frais de retard. On ne trouve cependant aucun élément de mauvaise foi dans le comportement de la défenderesse. La preuve de mauvaise foi n'est pas essentielle pour permettre d'accorder une indemnité pour dommages exemplaires en vertu de l'article 272 de la loi mais, lorsqu'une défenderesse démontre qu'elle s'est comportée d'une façon objectivement acceptable, on ne peut la condamner à de tels dommages exemplaires. Le fait d'imposer des frais de retard n'a pas procuré à la défenderesse un avantage lésionnaire. Il n'est ni abusif ni exorbitant de faire supporter à des consommateurs les frais occasionnés par leur omission de respecter leurs engagements. Même si les frais de retard de 10 $ sont illégaux, ils ne sont pas nécessairement lésionnaires. De ce fait, on doit conclure qu'il n'y a lieu que d'annuler les frais de retard. Par contre, la suppression des frais de crédit et la restitution de ceux déjà payés doivent être ordonnées en vertu de l'article 271 de la loi en raison du non-respect de formalités de la loi. La défenderesse pouvait contrer la demande en démontrant que le consommateur n'avait subi aucun préjudice mais, en l'espèce, il y a eu préjudice pour les membres du groupe du fait d'avoir payé des frais de retard illégalement imposés et de ne pas avoir su le véritable taux de crédit qui en résultait.

C'est à tort que la défenderesse a soutenu que les recours en vertu de la loi étaient prescrits. La prescription devait s'apprécier et être compilée à compter de la date du droit de contester celui d'imposer une pénalité, soit la date de formation du contrat. Étant donné le double aspect collectif et social du recours intenté en l'espèce, il n'est pas possible de le rejeter parce que le recours individuel d'un membre, qui représente une partie minime du montant total de la réclamation, est prescrit. On ne devrait pas refuser le recours collectif, à moins qu'il ne soit possible de démontrer que les réclamations d'une partie importante des membres sont prescrites, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. C'est au moment de l'évaluation des réclamations individuelles que la question de la prescription devra se poser. La requête en autorisation ayant été déposée le 13 mai 1999, le jugement portant sur le recours fondé sur la loi bénéficiera aux consommateurs pour les contrats signés à compter du 13 mai 1996. Il en va cependant autrement pour les recours intentés en vertu des articles 1623, 2332 et 1437 du Code civil du Québec (C.C.Q.). La défenderesse a démontré que les débiteurs délinquants occasionnaient des frais de perception additionnels de 10 $. La clause du contrat prévoyant de tels frais de retard n'est pas en soi abusive au sens de l'article 1623 C.C.Q. ni lésionnaire au sens de l'article 2332 C.C.Q. Le contenu de la clause n'est pas non plus abusif au sens de l'article 1437 C.C.Q. Toutefois, le caractère abusif ou lésionnaire d'une clause dans un contrat de consommation et d'adhésion ne tient pas qu'à son contenu. La clause doit être examinée eu égard à l'ensemble du contrat. Le fait d'avoir inséré dans le contrat la clause prévoyant une pénalité en cas de retard de paiement sous le titre «Chèques refusés» risquait d'induire le consommateur en erreur. La clause était donc abusive et doit être annulée. Si le droit de percevoir la pénalité de retard naît pour la compagnie de finances au moment où le débiteur ne fait pas le paiement prévu, le droit du débiteur de contester cette réclamation naît au moment où la réclamation lui est faite. La prescription commence donc à courir à compter du moment de la réclamation de la pénalité, indépendamment de la date de formation du contrat.


Dernière modification : le 30 avril 2003 à 15 h 34 min.