En bref

Le moyen d'exonération de la responsabilité de l'entrepreneur en cas de perte de l'ouvrage, qui est prévu à l'alinéa 3 de l'article 2119 C.C.Q. relativement au rôle du client, doit être interprété restrictivement.

Résumé de l'affaire

Action en réclamation d'une somme d'argent fondée sur un contrat d'entreprise (68 725 $). Accueillie en partie (8 625 $). Demande reconventionnelle. Accueillies en partie (3 996 $).

Les demandeurs ont confié au défendeur la tâche d'agrandir leur maison en y ajoutant un étage. Le projet était soumis à deux contraintes: un budget de 35 000 $ au maximum et la fin des travaux le ou avant le 1er juillet suivant. À la suite d'une première estimation, qui s'élevait à 35 504 $, le plan a dû être revu afin de se conformer au règlement municipal de zonage. Les travaux ont débuté alors que l'on attendait toujours le permis municipal de construire et sans qu'une autre estimation ait été faite. Les travaux se sont déroulés jusqu'aux premiers jours de septembre. Les demandeurs prétendent que l'entrepreneur devait s'adjoindre des employés compétents pour effectuer les tâches spécialisées, alors que ce dernier affirme que le demandeur devait lui apporter son aide et superviser le chantier. Celui-ci aurait d'ailleurs agi à titre de maître d'oeuvre et aurait demandé de nombreuses modifications. Le 29 septembre, les demandeurs ont mis le défendeur en demeure de procéder à des réparations. Ce dernier a réclamé le solde impayé du contrat. Les demandeurs, invoquant la présence de malfaçons à corriger, réclament une somme de 68 725 $. Le défendeur allègue que le retard est attribuable aux nombreuses modifications demandées.

Résumé de la décision

Le défendeur ne peut prétendre être le commettant du demandeur et s'exonérer de sa responsabilité pour la perte de l'ouvrage. Ce n'est pas parce qu'il y a eu immixtion de la part du client qu'il faut conclure à l'existence d'un contrat de travail. Le défendeur avait le choix des employés et disposait d'une marge de manoeuvre pour la réalisation de l'ouvrage. Il s'agit d'un contrat d'entreprise et l'on pouvait s'attendre à ce que l'entrepreneur fournisse une estimation et un devis clairs avant le début des travaux. Or, le défendeur, qui n'était pas titulaire de la licence appropriée, a fait preuve d'amateurisme: il n'a présenté que des plans préliminaires et une estimation qui n'a pas été révisée malgré les changements apportés aux travaux. La loi impose une obligation de renseignement et de diligence au seul entrepreneur et celle-ci n'est pas atténuée par une rémunération peu élevée. Ce principe est renforcé par la Loi sur la protection du consommateur, à laquelle le contrat est assujetti. Le consommateur-client ne peut être mis sur un pied d'égalité avec l'entrepreneur-commerçant et ce dernier ne peut s'exonérer par la simple preuve d'une participation du client. On doit démontrer que l'entrepreneur n'a pas commis de faute et que les connaissances du client étaient si spécialisées que seul celui-ci doit être tenu responsable. La philosophie qui sous-tend le Code civil du Québec (C.C.Q.) et la Loi sur la protection du consommateur est la protection du client profane qui doit faire confiance aux qualités de son entrepreneur. Ce dernier sera donc, en vertu des articles 2118 et 2120 C.C.Q., responsable des vices et des malfaçons, et le moyen d'exonération prévu à l'alinéa 3 de l'article 2119 C.C.Q., relatif au rôle du client, doit être interprété restrictivement. Il ne peut être évoqué dans le simple cas où le client, par son comportement, a pu donner son consentement à différentes étapes des travaux. Ce n'est pas le fait qu'il ait indiqué où installer les prises électriques qui crée un lien de subordination. De plus, il faut éviter d'attribuer à un client profane toute la responsabilité de la perte de l'ouvrage en raison de ses décisions; il faudra établir un lien de causalité entre le vice et l'intervention du client. En l'espèce, ce lien est très ténu. Faute d'un accord quant à des travaux supplémentaires, on doit conclure qu'il s'agit d'un contrat à forfait et c'est la règle de l'article 2109 C.C.Q. qui s'applique. À défaut d'une preuve contraire, on doit considérer que les modifications apportées aux deux versions des travaux s'équivalaient, et l'évaluation initiale est donc le coût de départ. Pour corriger les malfaçons, les demandeurs ont droit à 8 625 $, dont il faut déduire un solde impayé de 3 996 $.


Dernière modification : le 13 décembre 2005 à 14 h 22 min.