Appel d'un jugement de Cour supérieure ayant rejeté une demande d'autorisation d'exercer une action collective.

Accueilli.
L'appelant reproche aux intimées , des sociétés effectuant la location de véhicules automobiles à long terme , de contrevenir aux articles 1437 et 1872 du Code civil du Québec (C.C.Q.) en exigeant des frais déraisonnables et abusifs lorsque le locataire de l'un de leurs véhicules souhaite céder son bail à un nouveau locataire. Il reproche également à certaines intimées, soit Toyota Crédit Canada inc. et Corporation de services financiers Mercedes-Benz Canada, d'avoir recours à des pratiques commerciales interdites par l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur en exigeant des frais de cession qui ne sont pas, en tout ou en partie,

divulgués dans le bail. Le rejet de la demande d'autorisation se fonde principalement sur le constat du juge de première instance selon lequel l'appelant aurait renoncé à soutenir que des frais de cession de 500 $ ou moins étaient déraisonnables et abusifs. Cette renonciation a été inférée du fait que l'appelant avait conclu une transaction avec l'intimée SCI Lease Corp. Selon le juge, cette renonciation bénéficie à l'ensemble des intimées et, par conséquent, elle fait perdre à l'appelant toute cause d'action à l'encontre de Compagnie de gestion Canadian Road (Crédit Ford) étant donné que celle-ci a exigé d'elle des frais de cession de moins de 500 $. Puisque l'appelant ne détiendrait personnellement aucune cause d'action défendable à l'encontre de l'une ou l'autre des intimées, le juge a conclu que l'appelant n'avait pas démontré que le critère énoncé à l'article 575 paragraphe 2 du Code de procédure civile (C.P.C.) était rempli.

Décision
M. le juge Bachand: Le juge a commis une erreur révisable en concluant que l'appelant avait reconnu que des frais de cession de 500 $ ou moins ne pouvaient d'aucune manière être déraisonnables ou abusifs. Son erreur est d'avoir outrepassé son rôle de filtrage en statuant sur la portée des concessions qu'aurait faites l'appelant dans le cadre de la transaction qu'il a conclue avec SCI, alors qu'il s'agit d'une question litigieuse et qu'il est loin d'être évident que la position des intimées est bien fondée. D'abord, le juge n'a pas tenu compte du fait que les parties à la transaction avaient pris soin d'affirmer expressément que celle-ci était conclue sans préjudice. Ainsi, la prétention de l'appelant selon laquelle cette transaction ne peut lui être opposée par les autres intimées est à tout le moins défendable. Ensuite, il est tout à fait possible , et acceptable , qu'un représentant soit d'avis qu'un règlement à l'amiable donné est juste et raisonnable pour les membres du groupe, et ce, bien qu'il comporte des modalités qui compromettent, à certains égards, les droits de ces derniers. Après avoir déterminé que le juge avait erré en droit en concluant que l'appelant ne détenait personnellement aucun recours à l'encontre de Crédit Ford, il y a lieu de déterminer si les causes d'action qu'il a mises de l'avant satisfont au critère de l'apparence de droit.

En ce qui concerne la cause d'action fondée sur l'article 1437 C.C.Q., l'appelant allègue que les contrats en vertu desquels les intimées exigent des frais de cession sont des contrats d'adhésion, en ce que leurs stipulations essentielles ont été imposées et rédigées par ces dernières en plus de n'avoir pu être librement discutées. De plus, il explique avec précision pourquoi le total des dépenses raisonnables pouvant résulter d'une cession de bail serait d'au plus 175 $, puis il allègue que les frais exigés par les intimées, qui varient de 350 $ à 1 500 $, désavantagent les membres du groupe d'une manière excessive et déraisonnable étant donné qu'ils excèdent les dépenses supportées pour la cession. Or, ce syllogisme juridique satisfait à l'exigence de l'article 575 paragraphe 2 C.P.C., car il n'est ni frivole ni manifestement mal fondé en droit.

Quant à la question de savoir si les stipulations contractuelles précisant les frais exigés en cas de cession emportent une renonciation à la protection offerte par l'article 1872 C.C.Q., elle ne peut être résolue à l'étape de l'autorisation. On ne saurait qualifier de frivole ou de manifestement mal fondée la prétention de l'appelant selon laquelle une stipulation de cette nature ne permet pas, à elle seule, de conclure à une renonciation tacite suffisamment claire et éclairée. Ce dernier a également raison de soutenir que la validité des renonciations alléguées par les intimées est vraisemblablement tributaire d'éléments factuels qui devront être mis en preuve lors de l'instruction au fond.

Enfin, il n'est pas exclu que l'appelant réussisse à établir l'existence d'une contravention à l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur découlant du fait que le locataire est susceptible d'être pris de court par un bail abordant expressément la possibilité d'une cession sans jamais mentionner les frais associés à une telle opération. De plus, la question de savoir si la prétendue contravention ne devrait être analysée qu'au regard des contrats de cession conclus par Toyota Crédit Canada inc. et Services financiers Mercedes-Benz plutôt qu'au regard des baux initiaux n'est pas une pure question de droit susceptible d'être tranchée à l'étape de l'autorisation. Le débat n'est pas limité à l'interprétation de l'article 12 de la loi; il concerne aussi , voire surtout , son application à des faits dont la preuve reste à établir. Le juge a donc outrepassé son rôle de filtrage en concluant que la cause d'action fondée sur une contravention à cette disposition ne satisfaisait pas à l'exigence de l'apparence de droit énoncée à l'article 575 paragraphe 2 C.P.C.


Dernière modification : le 20 août 2024 à 12 h 51 min.