Résumé de l'affaire

Pourvoi à la Cour suprême du Canada d'un jugement de la Cour d'Appel du Québec confirmant un jugement de la Cour supérieure qui accueillait une requête en évocation et déclarait que les articles 33, 36, 37 et 40 à 45 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail sont inapplicables à une entreprise fédérale. Pourvoi rejeté.
Une travailleuse enceinte de Bell Canada a déposé une demande de retrait préventif après avoir refusé de travailler avec un écran cathodique. À la suite de la contestation de la part de son employeur, la Cour supérieure, confirmée par la Cour d'Appel, a déclaré inapplicables à une entreprise fédérale les articles 33, 36, 37 et 40 à 45 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. La question posée est de savoir si, sur le plan constitutionnel, ces articles sont applicables à Bell Canada.

Décision

L'analyse détaillée de la loi démontre que son caractère véritable porte sur les conditions de travail, les relations de travail et la gestion d'entreprise. En entrant dans le champ de la prévention sur les lieux du travail et en utilisant des moyens comme le droit de refus, le retrait préventif, la réglementation détaillée, l'inspection et les avis de correction, le législateur est entré directement et massivement, d'une part, dans le domaine des relations du travail et des conditions de travail, et, d'autre part, dans le domaine de la gestion et des activités des entreprises. Par le fait même, il s'interdisait de viser et d'atteindre par sa loi les entreprises fédérales. Les relations et les conditions de travail de ces dernières sont des matières qui tombent dans les catégories de sujets visés par l'article 91 paragraphe 29 de la Loi constitutionnelle de 1867 et qui relèvent de la compétence exclusive du Parlement. Cette compétence principale et exclusive empêche donc l'application à ces entreprises des lois provinciales sur les relations et les conditions de travail, puisque ces matières forment une partie essentielle de la gestion et de l'exploitation même de ces entreprises, comme de toute entreprise commerciale ou industrielle. Compte tenu de cette conclusion, il n'y a pas lieu de se demander s'il y a conflit entre la législation fédérale et la législation provinciale. Par ailleurs, la théorie du double aspect ne peut être invoquée. En effet, l'analyse du régime préventif de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et de celui de la partie IV du Code canadien du travail (art. 79 à 106.1) démontre que le législateur provincial et le législateur fédéral y poursuivent exactement le même objet. Il n'y a pas deux aspects ou deux fins selon que la législation est fédérale ou provinciale. Les deux législateurs ne disposent pas d'une compétence législative conjointe, mais de compétences législatives mutuellement exclusives. Quant au critère d'entrave, de nombreuses dispositions de la loi sont susceptibles d'entraver les activités et le fonctionnement des entreprises fédérales, ce qui constitue une raison additionnelle pour la considérer inapplicable à ces entreprises, et ce, en l'absence de tout conflit entre la législation fédérale et la législation provinciale.


Dernière modification : le 15 août 2022 à 16 h 41 min.