Résumé de l'affaire

Action en annulation de contrats de vente, requête en irrecevabilité de l'action et demande reconventionnelle. Action principale et requête en irrecevabilité rejetées; demande reconventionnelle accueillie en partie.

En mars et en juillet 1989, le demandeur a vendu aux défendeurs des meubles pour la somme de 6 862 $. Le 30 mars 1990, le demandeur les a avisés de leur défaut de faire les paiements prévus ainsi que de son intention de reprendre possession des meubles, les contrats indiquant qu'il demeurait propriétaire de la marchandise jusqu'à parfait paiement. Le 18 mai suivant, il a fait saisir avant jugement une partie de la marchandise. Par la présente action, il demande à la Cour de déclarer la saisie bonne et valable, de le déclarer seul et unique propriétaire des meubles, et de déclarer les contrats de vente nuls et sans effet.

Résumé de la décision

D'une part, le demandeur poursuit conjointement les défendeurs. Or, la signature du défendeur figure au premier contrat comme endosseur unique et le second contrat, qui reprend les modalités de paiement pour l'ensemble des biens achetés, n'est signé que par la défenderesse. D'autre part, l'article 7 de la Loi sur la protection du consommateur prévoit que: «La caution du consommateur bénéficie, au même titre que ce dernier, des articles 32, 33, 103, 105 à 110, 116 et 276 [...]» Or, le défendeur n'a pas reçu de double du contrat, en contravention à l'article 32 et la caution ne peut être responsable d'une dette tant qu'elle n'a pas reçu ce double. En outre, le défendeur n'a pas reçu l'avis de reprise de possession (art. 139). Par conséquent, l'action ne peut être maintenue contre lui. Quant à la défenderesse, la preuve a établi d'une façon prépondérante qu'il existe une disproportion entre les prestations respectives des parties et que celle-ci est considérable au point de léser la défenderesse, puisque le prix exigé pour l'ensemble des meubles vendus représente 186 % de la valeur marchande, soit 3 687 $, ou encore comporte un taux annuel de plus de 70 %, si l'on considère que le solde du prix de vente contient un crédit déguisé. De plus, même si les contrats ne font pas état d'un crédit, la Cour considère que, devant l'ampleur du solde dû, des frais de crédit dissimulés sont compris, lesquels sont évalués par l'expert des défendeurs à un taux annuel de 72 %. Au verso des contrats, le demandeur a inscrit dans chaque cas qu'il s'agissait d'un «contrat assorti d'un crédit conclu par un commerçant itinérant»; ces contrats ne respectent pas les exigences des contrats de crédit puisque le capital net, les frais réels de crédit et le montant d'intérêt n'y sont pas mentionnés. L'article 134 de la loi prévoit que le contrat doit reproduire les mentions prévues à l'annexe 5, mais plusieurs de ces mentions sont absentes en l'espèce. Dans les circonstances, la jurisprudence a établi que l'article 135 ne laisse aucune discrétion au Tribunal: dès que les exigences prescrites par la loi ne sont pas respectées, la stipulation de rétention du droit de propriété est nulle, la propriété de la chose vendue est transférée à l'acheteur et le consommateur peut faire annuler une saisie avant jugement pratiquée sur les biens vendus. Quant à l'avis de reprise de possession, la défenderesse a présenté une requête en irrecevabilité de l'action au motif que l'avis est prématuré et irrégulier puisque le paiement du mois d'avril n'était dû que le premier de ce mois. L'avis est daté du 30 mars 1990 mais n'a

été mis à la poste que le 2 avril 1990 et a été reçu par la défenderesse le 11 avril suivant. Or, aux termes de l'article 139, c'est la date de l'expédition qui est importante. La requête en irrecevabilité de la défenderesse est donc rejetée. Quant à la demande reconventionnelle, la Cour doit réduire l'obligation de la défenderesse puisqu'elle a été victime de lésion (art. 8 et 272). Compte tenu de la valeur marchande des biens vendus, mais eu égard au marché restreint du demandeur, il est raisonnable de réduire le solde dû par la défenderesse à la somme de 1 000 $, outre la somme de 2 600 $ qu'elle a déjà versée et en plus du dépôt de 400 $ qu'elle a effectué au greffe. Par ailleurs, aucuns dommages-intérêts ne sont accordés à la défenderesse puisque la preuve a démontré qu'elle avait contribué à son propre malheur en achetant sans y être forcée, des meubles qu'elle ne pouvait payer. Enfin, le comportement des parties et les circonstances dans lesquelles les contrats ont été conclus ne justifient pas, en l'espèce, l'attribution de dommages exemplaires.


Dernière modification : le 11 juin 1991 à 22 h 24 min.