Résumé de l'affaire
Requête pour approbation d'une transaction. Rejetée.
Dans deux recours différents, réunis pour enquête et audition, les demandeurs ont été autorisés à exercer un recours collectif au nom des personnes qui sont ou ont été victimes d'un cancer ou qui souffrent d'emphysème après avoir inhalé directement de la fumée de cigarette et au nom des personnes qui sont ou ont été dépendantes de la nicotine contenue dans les cigarettes fabriquées par les compagnies de tabac défenderesses. Les défenderesses ont appelé en garantie le procureur général du Canada. Les demandeurs et le procureur général ont conclu une transaction selon laquelle ils feraient dorénavant front commun contre les défenderesses. Le procureur général fournirait de l'aide technique et documentaire aux demandeurs. L'entente prévoit également que le procureur général ne sera pas tenu responsable des dommages allégués par les membres et que quittance lui est donnée. Les membres renonceraient aussi au bénéfice de la solidarité pour toute part de responsabilité qui pourrait lui être attribuée. Le procureur général fait valoir en contrepartie qu'il a l'intention de déposer des requêtes en irrecevabilité contre les actions en garantie et qu'elles seront vraisemblablement accueillies, compte tenu du jugement de la Cour suprême du Canada ayant rejeté les recours en garantie semblables intentés en Colombie-Britannique par les défenderesses contre lui. Ces dernières s'opposent à l'approbation de la transaction, alléguant que, en vertu du jugement d'autorisation, les demandeurs ne sont pas autorisés à représenter les membres pour autre chose que le recours principal et ils ne peuvent faire de transaction avec un tiers au nom des membres. Elles ajoutent que l'entente n'est pas une transaction, qu'elle contrevient à la loi, qu'elle porte préjudice aux défenderesses, qu'elle recherche des opinions juridiques, qu'elle ne permet pas aux membres de s'exclure, qu'elle prévoit des dépenses non approuvées et qu'elle n'est pas dans l'intérêt supérieur des membres.
Décision
Premièrement, les défenderesses ont l'intérêt requis pour contester l'entente. La collaboration prévue à l'entente pourrait alléger le fardeau pratique et procédural des demandeurs dans ces dossiers, ce qui serait susceptible de porter atteinte aux droits des défenderesses. De plus, l'obligation de veiller aux intérêts des membres absents force le tribunal à étudier toutes les conséquences prévisibles qui découlent d'une entente, et ce, peu importe qui les invoque. Deuxièmement, le jugement d'autorisation dans ces dossiers couvre la possibilité pour les demandeurs de convenir d'une entente avec le procureur général. Les règles usuelles s'appliquent aux recours collectifs comme s'il s'agissait d'une procédure individuelle traditionnelle. Il est rare qu'un demandeur principal conclue une entente avec un défendeur en garantie, mais rien ne s'y oppose. Troisièmement, l'entente n'est pas seulement un contrat, mais bien une transaction au moyen de laquelle les parties préviennent une contestation à naître. Quatrièmement, l'entente ne contrevient pas à la loi. Il est impossible à ce stade de se former une opinion sur la probabilité de succès des actions en garantie. De plus, en matière de litiges civils, le gouvernement dispose des mêmes droits que tout autre justiciable devant les tribunaux et peut donc conclure des ententes. Enfin, la question de la survie du privilège de confidentialité concernant certains documents pourrait être tranchée ultérieurement. Cinquièmement, pour apprécier si une transaction est dans l'intérêt supérieur des membres, plusieurs critères ont été définis par la jurisprudence. Ce qu'il y a principalement lieu de soupeser, ce sont les avantages et les bénéfices pour les membres contre les inconvénients; il faut mettre davantage l'accent sur cet aspect, qui devrait être hissé en tête de liste parmi tous les critères à considérer. En l'espèce, l'ampleur des concessions accordées au procureur général dans l'entente représente un inconvénient qui n'est aucunement compensé ou dépassé par les probabilités de succès des requêtes en irrecevabilité des actions en garantie. On ne peut présumer que les requêtes en irrecevabilité qui ne sont pas encore déposées seront accueillies sur la même base que le jugement de la Cour suprême. Si jamais les actions en garantie étaient maintenues, le préjudice aux membres serait énorme. Interdire l'accès au débiteur solvable qu'est le gouvernement du Canada n'est pas, à ce stade, dans l'intérêt supérieur des membres. La transaction ne peut donc être approuvée.