Résumé de l'affaire
Pourvoi à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique qui a radié des conditions d'une décision de la Commission d'examen de la Colombie-Britannique. Accueilli.
En 1986, l'accusé, un autochtone, a été déclaré non coupable de plusieurs infractions pour cause d'aliénation mentale. Selon le diagnostic, il souffrait de schizophrénie paranoïde chronique, un trouble grave de la personnalité qui le rendait antisocial, et d'une atteinte cérébrale organique. Le tribunal a ordonné sa détention sous garde rigoureuse. En 1992, conformément à la nouvelle partie XX.1 (art. 672.1 à 672.95) du Code criminel (C.Cr.), il a été classé dans la catégorie des personnes non responsables criminellement («NRC») et il relève depuis de la compétence de la commission d'examen de la C.-B. Après de nombreuses libérations conditionnelles infructueuses, il a été placé au Forensic Psychiatric Hospital. L'accusé a dit souhaiter aller dans un centre autochtone de traitement pour soigner sa dépendance aux drogues et à l'alcool. Lors d'une audition le 3 avril 2002, la commission d'examen a estimé que le traitement de l'accusé était arrivé dans une impasse et s'est dite préoccupée par l'insuffisance des renseignements fournis par le gestionnaire de cas et l'équipe médicale de l'accusé, ainsi que par la réticence de ce dernier à collaborer avec l'équipe médicale. La commission a ordonné que l'accusé soit maintenu en détention à l'hôpital. La décision de la commission enjoignait au directeur des Adult Forensic Psychiatric Services, en vue de la prochaine audition du cas de l'accusé, de fournir une évaluation indépendante concernant le diagnostic, le traitement et les progrès cliniques de l'accusé, de fournir relativement au risque qu'il représentait pour la sécurité du public une évaluation indépendante établie en fonction d'une nouvelle thérapeutique réorientée, et de déployer des efforts soutenus en vue de fournir à l'accusé la possibilité de participer à un programme thérapeutique adapté à sa culture. Le directeur a interjeté appel de cette ordonnance à la Cour d'appel, qui a conclu que la commission n'avait pas compétence pour rendre une décision imposant un traitement médical ou pour fixer des modalités liant une personne autre que l'accusé. La Cour d'appel a radié de l'ordonnance les conditions imposées au directeur.
Décision
M. le juge Bastarache: Bien que l'ordonnance contestée de la commission ait été remplacée par des décisions subséquentes et qu'il n'existe plus de litige actuel entre les parties, la question des pouvoirs de la commission demeure entière et la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire d'entendre le pourvoi. Pour l'examen de la compétence de la commission pour imposer les conditions, la norme de contrôle applicable est celle de la «décision correcte». Si la commission a agi dans le cadre de sa compétence, et si son interprétation de l'article 672.54 C.Cr. est juste, il reste encore à déterminer si les conditions étaient «raisonnables» (art. 672.78 (1) a) C.Cr.). [15-17]
Les commissions d'examen ont le pouvoir de rendre des décisions et de fixer des modalités qui lient des parties autres que l'accusé, notamment le directeur, les autorités de l'hôpital et les équipes médicales. C'est ce qu'indiquent le sens ordinaire et grammatical des mots employés à l'article 672.54 C.Cr., la structure et la formulation du texte français de cette disposition ainsi que les dispositions de la partie XX.1 qui traitent de l'exécution des décisions et des appels. Le régime législatif et l'intention du législateur étayent également cette conclusion. Le régime législatif se caractérise par: 1) la création de commissions d'examen spécialisées dans chaque province et territoire pour surveiller la prise en charge de l'accusé NRC au sein du système de justice pénale; et 2) la participation des autorités provinciales de la santé et des établissements de santé provinciaux à la prestation des services médicaux appropriés, au besoin, afin de faciliter l'évaluation et la gestion du risque que représente l'accusé NRC pour la sécurité du public, et d'améliorer ses chances de réadaptation et de réinsertion dans la collectivité. Compte tenu du mandat des commissions, le législateur ne peut pas avoir voulu charger ces commissions de la surveillance et de l'application du régime d'évaluation et de traitement sans s'assurer qu'elles puissent rendre des décisions opposables à des parties autres que les accusés. [19-29]
La structure opérationnelle de la partie XX.1 et son interprétation par les tribunaux révèlent que les commissions d'examen n'ont pas le pouvoir de prescrire un traitement. Ce pouvoir appartient exclusivement à l'autorité provinciale responsable de l'hôpital où l'accusé NRC est détenu, conformément aux diverses lois provinciales régissant la prestation des services médicaux aux personnes détenues dans un établissement hospitalier. Les commissions d'examen doivent simplement s'assurer que l'on offre la possibilité de recevoir un traitement médical. En accordant aux commissions d'examen le pouvoir d'imposer un traitement, on empiéterait sur la compétence législative des provinces en matière de services de santé. La composition des commissions et l'expertise de leurs membres étayent cette interprétation des pouvoirs que l'article 672.54 C.Cr. accorde aux commissions. Si une commission pouvait prescrire un traitement, les deux membres n'ayant aucune expertise en psychiatrie pourraient rendre une décision malgré les objections du troisième membre qui doit, aux termes du code, être autorisé à exercer la psychiatrie. Accorder aux commissions d'examen le pouvoir d'imposer un traitement conférerait aussi un pouvoir similaire aux tribunaux même s'ils ne possèdent pas l'expertise pertinente, puisqu'une cour qui entend l'appel d'une décision d'une commission peut rendre toute décision que la commission aurait pu rendre. [30-38]
Même si les commissions d'examen n'ont pas le pouvoir de prescrire un traitement, elles ont en fait le pouvoir de rendre des décisions assorties de modalités «reliées» ou «relatives» à la «supervision» du traitement médical d'un accusé NRC. Afin de s'acquitter du rôle et du mandat que la loi leur a confiés, à savoir de rendre des décisions appropriées en vue de protéger le public tout en protégeant le droit à la liberté de l'accusé, elles doivent disposer d'un certain pouvoir leur permettant de superviser le traitement médical des accusés non responsables criminellement. On pourrait soutenir que l'étendue du pouvoir des commissions, dans leur fonction de supervision, de rendre des décisions et de fixer des modalités «reliées» ou «relatives» au traitement médical d'un accusé englobe tout sauf le fait même de prescrire le traitement. Une commission d'examen doit être en mesure de former sa propre opinion indépendante sur le traitement de l'accusé, sur ses chances de réadaptation et de réinsertion et sur le risque que celui-ci représente pour la sécurité du public, et elle doit pouvoir ordonner que l'on procède à une réévaluation des méthodes de traitement et à une exploration des solutions de rechange au besoin. Ce pouvoir découle de l'objet du régime législatif, du mandat et de l'expertise des commissions d'examen, de même que du libellé des diverses dispositions de la partie XX.1; il trouve aussi écho dans la jurisprudence. [39-47]
Interprétée correctement, la deuxième partie de l'article 672.55 (1) C.Cr. ne constitue pas une véritable exception à l'interdiction de prescrire un traitement mais n'est qu'un exemple du pouvoir de supervision dont dispose la commission à l'égard des décisions relatives au traitement. L'application et la portée de l'article 672.55 (1) C.Cr. devraient être restrictives et limitées. Pour l'essentiel, le pouvoir de fixer une condition «relative» à un traitement prévu à l'article 672.55 (1) C.Cr. est simplement une manifestation du mandat de la commission qui consiste à offrir la «possibilité de recevoir un traitement» lorsque l'accusé se trouve dans la collectivité et qu'il n'est plus sous la supervision d'une autorité provinciale en matière de santé. [50-55]
Les conditions imposées au directeur n'auraient pas dû être radiées de la décision de la commission. Elles constituent un exercice valide par la commission du pouvoir et de la compétence que lui accorde l'article 672.54 C.Cr. Elles relèvent clairement de son pouvoir de remettre en question le programme thérapeutique de l'accusé, d'explorer de nouvelles avenues de traitement, de superviser sa réadaptation et d'évaluer le risque qu'il représente pour la sécurité du public. Les conditions n'empiètent pas sur le programme thérapeutique de l'accusé ou sur le pouvoir discrétionnaire du directeur. Les trois conditions étaient raisonnables en ce qu'elles étaient amplement étayées par la preuve dont disposait la commission à l'audition et qu'elles étaient justifiées par l'impasse que présentait le traitement de l'accusé et le manque apparent, à l'audience du 3 avril 2002, de renseignements exacts et utiles concernant l'accusé. [56-66]