en bref
Les clients de Rogers Communications qui ont mis fin à leur contrat de téléphonie cellulaire avant terme n'avaient pas renoncé à leur droit de résiliation sans motif prévu à l'article 2125 C.C.Q.; les frais de résiliation anticipée facturés sont abusifs, et Rogers doit rembourser la somme qui excède le préjudice qu'elle a subi, soit plus de 16,8 millions de dollars.
La clause des contrats de téléphonie cellulaire qui impose aux clients des frais de résiliation anticipée est abusive, mais il ne s'agit pas d'une clause pénale; elle ne vise pas à sanctionner l'inexécution d'une obligation, et ces frais ne constituent pas une évaluation par anticipation des dommages-intérêts au sens de l'article 1622 C.C.Q.
Le requérant n'ayant pas démontré que Rogers Communications avait contrevenu à une disposition précise de la Loi sur la protection du consommateur ni qu'elle avait fait des représentations trompeuses au sens de l'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur, il n'y a pas lieu d'accorder de dommages punitifs dans le contexte du recours collectif visant le remboursement des frais de résiliation anticipée illégalement facturés.
Le recours collectif intenté au nom des clients auxquels Rogers Communications a facturé des frais abusifs de résiliation anticipée de leur contrat de téléphonie cellulaire est accueilli en partie; celle-ci doit rembourser plus de 16,8 millions de dollars aux membres qui ont payé ces frais.
Résumé de l'affaire
Recours collectif en remboursement d'une somme d'argent et en réclamation de dommages punitifs. Accueilli en partie.
Le requérant a été autorisé à exercer un recours collectif au nom des personnes,,, physiques et morales comptant au plus 50 employés (PME),,, auxquelles Rogers Communications, s.e.n.c. a facturé des frais de résiliation anticipée (FRA) depuis le 21 février 2008. Le 29 janvier 2009, le requérant, client de la téléphonie cellulaire de Rogers depuis plusieurs années, a remplacé son téléphone portable et a choisi un forfait «voix seulement», sans utilisation du service de transmission de données. Le nouvel appareil lui a coûté 249,99 $ et, au moment de l'achat, Rogers ne l'a pas informé qu'il bénéficiait d'un rabais sur le prix de détail suggéré, qu'il renonçait à son droit à une résiliation unilatérale de son forfait avant terme et qu'il contractait pour une nouvelle période de trois ans. C'est après qu'il eut payé l'appareil avec sa carte de crédit que le représentant de Rogers l'a informé que le nouveau contrat avait une durée de 36 mois. Il s'est opposé, mais le représentant a affirmé qu'il était trop tard pour reculer, car le contrat était conclu. Lorsqu'il a reçu sa facture mensuelle en février 2009, il a appris qu'un rabais de 50 $ lui avait été accordé sur le prix de son appareil. En novembre 2010, alors qu'il restait 13 mois à courir au terme de 36 mois, le requérant a avisé Rogers qu'il mettait fin à son contrat. Rogers lui a alors facturé des FRA de 200 $, dont il réclame le remboursement complet. Selon lui, les FRA ne visent qu'à protéger Rogers contre une perte de profits, ce à quoi elle n'a pas droit vu les dispositions des articles 2125 et 2129 du Code civil du Québec (C.C.Q.), et Rogers n'aurait pas prouvé qu'il a renoncé à son droit de résiliation unilatérale. Il ajoute que les FRA sont disproportionnés par rapport au préjudice réellement subi et qu'ils sont abusifs. Pour sa part, Rogers est d'avis qu'il y a chose jugée quant à la renonciation à la résiliation anticipée prévue par l'article 2125 C.C.Q. Selon elle, en écartant la question de la renonciation en tant que question commune, le jugement en autorisation aurait déterminé que la clause de FRA constituait une renonciation au droit à la résiliation unilatérale. Subsidiairement, Rogers soutient que la présence de la clause imposant les FRA signifie que les clients ont implicitement renoncé à leur droit à la résiliation anticipée.
résumé de la Décision
Il n'y a pas chose jugée sur la renonciation à la résiliation anticipée prévue par l'article 2125 C.C.Q. Le jugement d'autorisation fait référence à l'établissement de l'indemnité suivant l'article 2129 C.C.Q. et non à la renonciation prévue à l'article 2125 C.C.Q. Il ne se prononce pas sur l'existence ou non d'une renonciation au droit à la résiliation anticipée. De plus, l'existence d'une clause prévoyant le paiement de FRA pour mettre fin au contrat avec abonnement ne permet pas d'inférer une renonciation au droit à la résiliation anticipée. Tel qu'il a été reconnu dans Services Matrec inc. c. CFH Sécurité inc. (C.A., 2014-02-10), 2014 QCCA 221, SOQUIJ AZ-51043347, 2014EXP-628, J.E. 2014-321, et Gagnon c. Bell Mobilité inc. (C.S., 2014-09-03), 2014 QCCS 4236, SOQUIJ AZ-51106071, 2014EXP-2994, J.E. 2014-1711, la renonciation doit apparaître clairement à la lecture de la clause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Le requérant n'a pas été informé que la clause prévue au contrat équivalait à une renonciation à son droit à la résiliation unilatérale ni au respect de l'article 2129 C.C.Q. pour le calcul du préjudice subi par Rogers. La clause de FRA n'est pas une clause pénale, car elle ne vise pas à sanctionner l'inexécution d'une obligation. Il ne s'agit pas non plus d'une clause négociée par les parties et les FRA ne constituent pas une évaluation par anticipation des dommages-intérêts au sens de l'article 1622 C.C.Q. Le calcul du préjudice subi par Rogers à la suite d'une résiliation anticipée ne peut donc pas excéder ce qui est prévu à l'article 2129 C.C.Q. Il ne comprend pas la perte de profits futurs (Gagnon). Seul le rabais accordé lors de l'achat de l'appareil constitue le préjudice réel du fournisseur, et il n'y a pas lieu d'amortir ce montant en fonction du temps écoulé au contrat au moment où le client y met fin. Les FRA facturés par Rogers sont excessifs et abusifs, car ils excèdent le préjudice qu'elle a subi. Elle doit donc rembourser les FRA perçus qui excèdent le rabais moyen consenti à chaque catégorie de membres suivant le type de forfait dont ils bénéficiaient: 15 115 662 $ aux membres consommateurs bénéficiant d'un «forfait voix», 1 585 885 $ aux membres PME qui avaient un «forfait voix» et 127 469 $ aux membres PME qui avaient adhéré au forfait «transmission de données», et le recouvrement est collectif. Enfin, le requérant n'ayant pas démontré que Rogers a contrevenu à une disposition précise de la Loi sur la protection du consommateur ni qu'elle a fait des représentations trompeuses au sens de l'article 219 de la loi, il n'y a pas lieu d'accorder des dommages punitifs