En bref
La caisse populaire demanderesse ne parvient pas à faire rectifier un contrat de prêt indiquant erronément un taux d'intérêt annuel de 0 %.
Le contrat de prêt conclu par les parties, lequel ne comportait aucune mention quant au taux d'intérêt applicable, ne peut être corrigé.
La caisse populaire demanderesse, qui a unilatéralement apporté des modifications à un contrat de prêt après avoir constaté qu'aucun taux d'intérêt n'y avait été inscrit, est notamment condamnée à payer des dommages-intérêts et des dommages exemplaires totalisant 2 250 $.
Bien que la caisse populaire demanderesse ait démontré l'existence d'une intention commune de conclure un prêt d'argent et d'une erreur de transcription intervenue dans la préparation du contrat, elle n'a pas fait la preuve de l'intention commune des parties d'assortir le prêt d'un taux d'intérêt de 6,95 %, de sorte qu'une rectification ne peut être faite.
La caisse populaire demanderesse, qui a prolongé le terme d'un prêt, à l'insu de ses clients, pour pallier l'omission d'inscrire le taux d'intérêt applicable au contrat, a manqué de transparence envers eux.
Une atteinte illicite et intentionnelle à l'endroit d'un client, découlant de l'inscription d'un défaut de paiement à son dossier de crédit par la caisse populaire demanderesse, constituait une atteinte à sa réputation.
La caisse populaire demanderesse, qui a inscrit un défaut de paiement au dossier du défendeur en sachant que ces données pourraient porter atteinte à sa réputation et en sachant que le paiement était contesté, devra payer des dommages punitifs de 750 $.
Résumé de l'affaire
Requête en remboursement d'une somme d'argent. Rejetée. Requête en réclamation de dommages-intérêts (6 162 $). Accueillie en partie (2 412 $).
En janvier 2005, les défendeurs ont fait une demande de prêt auprès de la caisse populaire demanderesse en vue d'acquérir un véhicule automobile d'occasion. La demanderesse leur a consenti un prêt de 27 000 $ à un taux de 6,95 %. Les défendeurs n'ont ni donné suite à l'offre ni signé quelque document que ce soit. Le 3 mars 2005, ils ont rencontré un conseiller de la demanderesse en vue de réaliser un emprunt de 21 100 $ qui visait les mêmes fins. Le conseiller a repris les renseignements du formulaire de janvier, mais il a omis de valider le taux d'intérêt de 6,95 %, de sorte que les modalités de remboursement proposées aux clients ont été calculées en fonction d'un taux d'intérêt annuel de 0 % qui serait remboursé en totalité en février 2010. Les défendeurs ont signé le contrat de prêt et personne ne s'est aperçu que le contrat était à titre gratuit. Le conseiller a pris acte de son omission le lendemain et il a rectifié le formulaire du contrat à la main. Le 21 mars, à l'insu des clients, la demanderesse a modifié le contrat en y ajoutant le taux d'intérêt annuel de 6,95 % et elle l'a enregistré dans son système informatique. En 2008, alors que les défendeurs étaient au courant de l'erreur, la demanderesse leur a offert, sans succès, de régulariser leur prêt. La Caisse a décidé de prolonger le terme afin de récupérer les intérêts auxquels elle considérait avoir droit. Elle a donc unilatéralement repoussé l'échéance, à l'insu des défendeurs. Deux débits ont eu lieu après le terme initialement prévu. Le second débit a été remboursé quelques jours plus tard. À compter de mars 2010, les défendeurs se sont opposés à tout remboursement additionnel et le système de la demanderesse a enregistré un défaut de paiement, mention qui est notée au dossier de crédit du défendeur. La demanderesse demande la rectification du contrat de prêt et le paiement de la somme qui leur serait due en conséquence. Les défendeurs nient devoir toute somme additionnelle et ils réclament des dommages-intérêts compensatoires (4 000 $) et punitifs (2 000 $), faisant valoir que, en le considérant comme un débiteur délinquant, la demanderesse a modifié la cote de crédit du défendeur et a porté atteinte à sa réputation. Ils réclament finalement le remboursement du premier prélèvement effectué sans autorisation en mars 2010.
Résumé de la décision
En présence d'un écart entre la lettre du contrat et l'entente réelle intervenue entre les parties, il faut lire le contrat d'une manière conforme à l'intention de ces dernières. En l'espèce, les parties croyaient avoir conclu un contrat de prêt avec intérêts, ce qui n'était pas traduit par le contrat, qui mentionnait un taux d'intérêt invraisemblable de 0 %. Il y a donc existence à la fois d'une intention commune et d'une erreur de transcription. Or, les parties ne se sont pas entendues quant à l'objet de l'obligation puisqu'il n'est pas possible d'attribuer aux défendeurs l'intention de rembourser, en cinq ans, une somme de 21 100 $ à laquelle étaient ajoutés des intérêts à un taux annuel de 6,95 %. On ne peut dégager une telle intention de pourparlers ou d'écrits préliminaires. Les défendeurs ont accepté de contracter en fonction d'une donnée qui était erronée mais qui, pour eux, était déterminante. Il ne saurait être question de rectifier l'écrit pour le rendre conforme à la volonté de la demanderesse, d'autant moins que cela irait à l'encontre de l'esprit et de la lettre de la Loi sur la protection du consommateur, qui insiste sur la nécessité de l'écrit et sur la transparence quant aux frais de crédit. La réclamation du défendeur de 162 $ est justifiée, la demanderesse n'ayant pas démontré que cette somme lui était due. Eu égard aux dommages compensatoires, bien que le préjudice subi par le défendeur n'ait pas l'ampleur alléguée, il demeure néanmoins qu'une mauvaise cote, reliée à son prêt automobile, entache son dossier de crédit et que cette information nuit à sa réputation financière. Cette situation résulte d'une atteinte illicite et intentionnelle puisque la demanderesse a enregistré l'erreur sans révéler l'existence du litige opposant les parties ni le fait que la durée du terme du contrat de prêt avait été modifiée à l'insu du défendeur. Cela constituait un comportement fautif de la part de la demanderesse, qui s'est fait justice elle-même plutôt que d'introduire le recours approprié, manquant ainsi de loyauté envers son client. Le préjudice découlant de cette atteinte est évalué à 1 000 $, ce qui tient compte du fait que le défendeur n'a pas cherché à réduire ses dommages à ce titre. Celui-ci aura droit à une indemnité de 500 $ pour les troubles et inconvénients découlant du litige; cela prend en considération le fait qu'il a lui aussi manqué de bonne foi en raison du peu de collaboration qu'il a offert lorsque la demanderesse cherchait à trouver une solution. Finalement, la conduite de la demanderesse justifie l'attribution de dommages punitifs de 750 $, ce qui sera suffisant pour assurer les fonctions préventive et dissuasive rattachées à ce type d'indemnité.