En bref
Une clause ne permettant pas d'annuler pour un motif valable un contrat d'achat de voyage est abusive si le vendeur ne subit aucune perte financière découlant de l'annulation.
résumé de l'affaire
Action en dommages-intérêts (20 070 $). Accueillie en partie (12 070 $).
Le 29 juin 2004, les demandeurs ont acheté à la défenderesse Brouty un voyage en Égypte de trois semaines au coût de 11 070 $. Au contrat, il était indiqué que la défenderesse Voyages Cassis agissait à titre de grossiste pour ce voyage, tout comme Voyages Symone Brouty (VSB). Il y était également inscrit «Voyages 100 % non annulables». Le même jour, les demandeurs ont versé un acompte de 1 400 $. Brouty leur a vendu une assurance-voyage en cas d'annulation pour 919 $. Le voyage devait avoir lieu du 7 au 26 novembre 2004 mais, vers la mi-août, le demandeur a dû être hospitalisé d'urgence pour des problèmes cardiaques. En raison de la chirurgie urgente qu'il devait subir, son cardiologue lui a indiqué qu'il ne pouvait aller en voyage avant au moins trois mois. Le 17 août, la demanderesse a informé Brouty de la nécessité d'annuler le voyage. Le 6 septembre, à la suite de pressions, la demanderesse a acquitté le solde dû de 9 670 $. Les demandeurs ont présenté une demande d'indemnité à leur assureur, qui, suivant les conditions de voyage du grossiste Cassis, leur a accordé 500 $, soit la pénalité imposée pour un voyage annulé plus de 46 jours avant le départ. Les demandeurs intentent une action en remboursement de la portion du prix non remboursé par l'assureur, soit 10 070 $, et en réclamation d'une indemnité de 10 000 $ pour troubles et inconvénients. Ils prétendent pouvoir bénéficier de l'ambiguïté du contrat relativement à l'existence ou non de frais d'annulation et demandent l'annulation du contrat ou la réduction de leur obligation au motif qu'il y a une disproportion importante entre les prestations respectives des parties au sens de l'article 8 de la Loi sur la protection du consommateur. VSB et Symone Brouty allèguent avoir légalement convenu avec eux d'une pénalité d'annulation du voyage équivalant à 100 % du prix payé, alors que Cassis nie avoir agi à titre de grossiste pour ce voyage.
Résumé de la décision
L'action intentée à l'encontre de Cassis doit être rejetée puisque cette dernière n'a pas agi à titre de grossiste et qu'aucun de ses dépliants ou de ses documents ne faisait partie du contrat conclu entre les demandeurs et VSB. Il n'y a donc aucun lien de droit entre les demandeurs et Cassis. La clause d'annulation ne permettant pas d'annuler pour un motif valable un voyage dans un délai au cours duquel le vendeur ne subit aucune perte financière est excessive puisque la perte est énorme pour le consommateur par rapport au vendeur. Il n'est pas raisonnable pour le vendeur du voyage de pénaliser en toutes circonstances l'acheteur en ne lui remboursant pas le prix du voyage. Ainsi appliquée, cette clause a pour conséquence que les demandeurs payent sans faire le voyage et que deux autres passagers ayant eux aussi payé prennent leurs places. Elle doit être déclarée abusive aux motifs que VSB sait qu'elle peut vendre ces contrats à d'autres personnes et qu'elle dispose de conditions d'annulation auprès de son fournisseur ou d'un pouvoir de négocier ces annulations dont elle ne fait pas bénéficier ses clients. L'ensemble de ces éléments conduit à un abus au sens de l'article 1437 du Code civil du Québec. L'argument de VSB selon lequel la clause ne peut être déclarée abusive en raison de l'achat par les demandeurs d'une assurance-voyage est rejeté. Non seulement le fait de prendre une protection d'assurance n'influe pas sur la qualification qui peut être donnée à une clause dans un contrat dont l'existence est à l'origine du contrat d'assurance,,, l'assurance étant un contrat distinct entre des personnes différentes du contrat de voyage,,, , mais rien n'oblige les demandeurs à diriger leur réclamation contre leur assureur. En l'espèce, il y a une contradiction entre, d'une part, la mention au contrat voulant que les voyages soient à «100 % non annulables» et les frais d'annulation figurant dans les dépliants des grossistes, qui sont de 500 $ par voyageur. Il y a lieu de réduire l'obligation des demandeurs à 500 $ pour l'annulation du voyage. Une somme de 2 000 $ leur est par ailleurs accordée pour les troubles et inconvénients subis. L'action intentée contre Brouty personnellement est rejetée puisque cette dernière a agi à tout moment pour le compte de VSB.