En bref

Si un manquement particulier est couvert par l'article 271 de la Loi sur la protection du consommateur, le consommateur ne peut invoquer également l'article 272 pour ce même manquement.

Résumé de l'affaire

Appels d'un jugement de la Cour supérieure de Montréal ayant accueilli un recours collectif. Accueillis en partie, avec dissidence.

L'intimée, personne désignée, a obtenu un crédit de l'appelante dans le but d'acheter des meubles et elle s'est engagée à rembourser le capital et à payer les frais de crédit par versements mensuels. N'ayant pas effectué certains versements à temps, elle s'est vu imposer des frais de retard sous la forme d'une somme forfaitaire de 10 $. Entre 1994 et la fin de l'année 1997, l'appelante a facturé de tels frais à 86 725 personnes. Soutenant que ces frais étaient illégaux en vertu de l'article 92 de la Loi sur la protection du consommateur, les intimées ont exercé un recours collectif contre l'appelante. Le juge de première instance a conclu que l'appelante ne pouvait exiger des sommes forfaitaires en guise de frais de retard. Par contre, il a estimé que le droit d'action de tous les consommateurs ayant signé un contrat avant le 12 mai 1996 était prescrit en vertu de la loi. L'appelante prétend que, même si les états de compte de l'intimée font voir qu'elle lui a imposé à deux reprises des frais de retard, celle-ci ne les a pas réglés puisqu'elle n'a payé qu'une fraction du capital et des frais de crédit. Elle invoque aussi la prescription du recours. Les intimés réclament le remboursement des frais de retard et des frais de crédit ainsi qu'une indemnité à titre de dommages exemplaires.

Résumé de la décision

Mme la juge Côté, à l'opinion de laquelle souscrit la juge Mailhot: L'appelante a divulgué les frais de retard dans le contrat de crédit. Ces frais de retard ne sont ni illégaux ni interdits par la Loi sur la protection du consommateur en matière de contrat de crédit variable; ils doivent toutefois être calculés comme des frais de crédit, selon la méthode prescrite au règlement. Il ne s'agit pas d'une erreur dans le calcul du crédit, mais plutôt d'une omission dans celui des frais devant être inclus dans les frais de crédit. Les intimées ne peuvent cumuler deux recours. Elles ne sauraient réclamer le remboursement des frais de crédit en vertu de l'article 271 puisque la sanction de la violation est prévue à l'article 272, ces deux recours étant exclusifs. Le recours était prescrit en vertu de la loi, selon laquelle la prescription commence à courir au moment de la formation du contrat. Les intimées pouvaient cependant exercer des recours de droit civil non prescrits. Quant à la clause elle-même, bien que l'on puisse reprocher à l'appelante d'avoir utilisé un titre inadéquat, elle ne désavantage pas le consommateur d'une manière excessive ou déraisonnable et ne pourrait être qualifiée d'abusive. Une indemnité pour dommages exemplaires doit être accordée, car l'appelante était consciente de l'existence d'une difficulté.

M. le juge Beauregard, dissident: La déclaration de l'appelante voulant que l'intimée n'ait pas réglé ses frais est mal fondée. Elle tient pour acquis que les frais de crédit ont commencé à courir le 18 août 1996. Or, la clause déterminant cette date est contraire à la publicité du marchand, qui faisait état d'un congé d'intérêts durant un an à partir du 18 septembre 1995. Le recours n'est pas prescrit en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, car la prescription n'a commencé à courir que le 18 octobre 1996, soit après l'indication à l'état de compte que l'appelante exigeait d'elle des frais de retard. Avant cette date, celle-ci ne connaissait pas l'existence de la clause relative aux frais de retard dans la convention. Dans le formulaire de celle-ci, la clause sur les retards de paiement se trouve sous le titre «Chèques refusés». Le consommateur moyen est en droit de penser que cette clause ne comporte pas de stipulations relatives à des frais de retard. L'ignorance de la clause du contrat découle ici de la façon dont le commerçant l'a rédigée. Les recours offerts par les articles 271 et 272 ne sont pas mutuellement exclusifs. Une violation de l'article 271 constitue nécessairement une violation de l'article 272. Les intimées ont donc le droit de réclamer une indemnité pour dommages exemplaires. De plus, l'appelante savait qu'elle ne pouvait agir comme elle l'a fait, et elle doit être condamnée à verser cette indemnité.


Dernière modification : le 16 octobre 2006 à 19 h 52 min.