En bref
La conjugaison de l'article 2 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de l'article 1749 C.C.Q. fait en sorte que le vendeur à tempérament dont le contrat est assujetti à la Loi sur la protection du consommateur n'est pas un créancier garanti au sens de la loi.
Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli l'appel d'une décision d'un syndic qui avait rejeté une réclamation de bien. Rejeté.
En 2002, les débiteurs ont acheté des véhicules automobiles aux termes de contrats de vente à tempérament assujettis à la Loi sur la protection du consommateur. Ceux-ci ayant fait faillite, l'intimée, qui est cessionnaire des droits du vendeur, a présenté sa preuve de réclamation. Le syndic appelant l'a rejetée au motif que la réserve du droit de propriété n'avait pas été publiée de façon conforme. En effet, la fiche nominative comportait une erreur quant à la date de naissance des débiteurs, de sorte que, lors de sa recherche sous le nom de ceux-ci, le syndic n'avait trouvé aucune inscription. Selon le juge de première instance, la consultation de la fiche descriptive à l'aide du numéro d'identification du véhicule aurait permis de connaître les droits grevant les véhicules. Ayant tenu compte du fait que le registre avait pour but de permettre le repérage de l'inscription et que ce repérage était facile, il a conclu que l'erreur dans la date de naissance de l'acheteur ne pouvait invalider l'inscription. Il a annulé l'avis de rejet de la réclamation et déclaré que le syndic n'avait aucun intérêt dans les véhicules appartenant à l'intimée. Le syndic prétend que l'obiter de l'arrêt Ouellet (Syndic de), (C.S. Can., 2004-10-28), 2004 CSC 64, SOQUIJ AZ-50277039, J.E. 2004-2022, [2004] 3 R.C.S. 348, s'applique.
Résumé de la décision
Mme la juge Bich: Dans l'arrêt Ouellet (Syndic de), qui statuait sur le droit antérieur à la modification de la notion de créancier garanti prévue à l'article 2 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (la loi), la Cour suprême a conclu que l'article 1749 du Code civil du Québec (C.C.Q.) n'empêchait pas le vendeur à tempérament d'opposer au syndic sa réserve de propriété puisque le bien visé ne faisait pas partie du patrimoine de la faillite. En obiter, elle a ajouté que cette conclusion aurait été différente si la nouvelle notion de créancier garanti, qui comprend désormais le vendeur à tempérament, s'était appliquée. Toutefois, cet obiter n'a pas la portée que le syndic lui prête. Dans le présent dossier, les contrats de vente à tempérament sont assujettis à la Loi sur la protection du consommateur. Or, l'article 1749 C.C.Q. précise que, dans le cas d'un contrat de consommation, seules les règles de la Loi sur la protection du consommateur s'appliquent à l'exercice du droit de reprise du bien par le vendeur ou le cessionnaire. L'article 2 b) de la loi, qui inclut expressément la distinction faite à cet article, indique clairement l'intention du législateur de restreindre la notion de créancier garanti aux seules personnes dont les droits peuvent être exercés en vertu des dispositions du Code civil du Québec qui portent sur l'exercice des droits hypothécaires. En conséquence, par l'effet conjugué de l'article 2 de la loi et de l'article 1749 C.C.Q., le vendeur à tempérament dont le contrat est assujetti à la Loi sur la protection du consommateur n'est pas un créancier garanti au sens de la loi. Sa situation reste gouvernée par la règle énoncée dans Ouellet (Syndic de) et son droit est opposable au syndic, quel que soit l'état ou la validité de l'inscription faite au registre des droits personnels et réels mobiliers. Ce seul motif justifie le rejet de l'appel.
Le système de publicité des droits ayant pour but la protection et la sauvegarde des droits des tiers, une erreur dans l'inscription du nom est grave. Cependant, les irrégularités des inscriptions n'ayant pas toutes la même gravité, le formalisme ne doit pas être excessif. Ainsi, l'erreur dans la date de naissance inscrite sur la fiche nominative des débiteurs ne peut être fatale puisqu'il existe une fiche descriptive contenant toute l'information nécessaire au repérage des droits grevant un véhicule routier. En effet, la publicité d'un tel droit est assujettie à un régime particulier qui exige l'inscription sur deux fiches complémentaires. L'article 46 du Règlement sur le registre des droits personnels et réels mobiliers prescrit le mode de recherche par numéro d'identification lorsqu'il s'agit d'un véhicule routier visé par l'article 15, comme en l'espèce. C'est le véhicule qui constitue l'objet premier de la recherche. Il n'est pas interdit d'effectuer une recherche par le nom, mais cela ne saurait suffire. Une recherche complète doit donc être effectuée à l'aide des deux fiches. Dans le cas présent, une recherche conforme au règlement permettait au syndic de repérer la mention de réserve de propriété de l'intimée. Étant donné qu'il a été adéquatement informé du droit de celle-ci, le système de publicité a atteint son objectif. Dans les circonstances, le droit de propriété de l'intimée lui est opposable.