En bref
La banque n'a pas droit à la levée du voile corporatif parce que, au moment où elle a accepté de faire affaire avec la compagnie, elle connaissait les faits pertinents à l'évaluation de son risque financier.
Résumé de l'affaire
Action en remboursement d'une somme de 253 878 $ et en dommages-intérêts (74 320 $) contre une compagnie et ses actionnaires. Accueillie en partie (253 878 $). Demande reconventionnelle en dommages-intérêts. Rejetée.
En novembre 1996, les défendeurs De Bellefeuille étaient actionnaires de la compagnie défenderesse Domotique ATR international inc., qui vendait des systèmes de contrôle énergétique et électrique. Comme le coût d'installation d'un tel système s'élevait à plus de 11 000 $, la banque demanderesse a instauré un plan de financement pour permettre aux clients de Domotique d'obtenir le prêt nécessaire au paiement du prix. Étant donné le risque financier d'un projet qui n'était pas encore éprouvé, elle a exigé le dépôt en garantie d'une somme de 200 000 $ sous la forme d'un certificat de dépôt. Les clients qui acceptaient de faire visiter leur maison pour que d'éventuels acheteurs se familiarisent avec le système de Domotique recevaient une indemnité si la visite donnait lieu à une vente. Des clients victimes de fausses déclarations de Domotique ont obtenu des jugements annulant leurs contrats et ordonnant le remboursement du prix. En septembre 1996, lorsque les défendeurs ont voulu encaisser le certificat de dépôt, la Banque a refusé et a procédé à sa saisie avant jugement. Les défendeurs prétendent que les acheteurs n'étaient pas des consommateurs et que, de ce fait, ils ne pouvaient bénéficier de la protection de la Loi sur la protection du consommateur, qui leur permettrait d'opposer au prêteur les moyens de défense qu'ils pouvaient faire valoir contre Domotique. La Banque réclame le remboursement du solde des prêts consentis aux clients de celle-ci (253 878 $).
Résumé de la décision
Les clients de Domotique qui recevaient une indemnité pour l'utilisation de leur résidence n'avaient aucune responsabilité commerciale envers les autres consommateurs. Le fait que l'indemnité leur permettait de rembourser le prêt obtenu pour l'achat du système ne leur donnait pas la qualité de commerçants et n'a pas eu pour effet de leur faire perdre le bénéfice de la Loi sur la protection du consommateur. D'autre part, aux termes de l'entente conclue avec la Banque, le dépôt de 200 000 $ servait à garantir le remboursement des sommes prêtées aux acheteurs en cas de manquements de Domotique envers eux. Par ailleurs, la Banque et les consommateurs savaient qu'ils faisaient affaire avec une compagnie. Ces derniers bénéficient de la protection de la Loi sur la protection du consommateur. Pour sa part, la Banque a protégé son engagement financier en imposant des conditions au plan de financement. Or, elle a choisi de limiter à 200 000 $ la garantie personnelle des défendeurs. Ces derniers ont donc une obligation contractuelle envers elle jusqu'à concurrence de cette somme. Les jugements rendus contre eux ayant cristallisé leurs obligations envers la Banque, ils sont condamnés solidairement à lui payer cette somme. Toutefois, il n'y a pas lieu de lever le voile corporatif pour le résidu. En effet, la Banque n'a pas prouvé qu'ils lui avaient fait de fausses déclarations. Elle connaissait les faits pertinents à l'évaluation de son risque financier puisqu'elle avait reçu la documentation relative au produit. De plus, elle connaissait la situation financière du défendeur De Bellefeuille. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle avait demandé la mise en garantie du certificat de dépôt. Cependant, les défendeurs, qui sont aussi les seuls administrateurs de Domotique, ont bénéficié de la faute extracontractuelle de celle-ci envers les clients à qui elle a fait de fausses déclarations. À ce titre, ils sont condamnés solidairement au paiement des 53 878 $ que la Banque réclame en plus des 200 000 $. Il n'existe aucune preuve permettant de retenir la responsabilité de la défenderesse Gestion Utilimak inc. L'action est donc rejetée contre elle.