En bref
Un garagiste a perdu son droit de rétention en exigeant, pour des réparations à une automobile, un prix supérieur à celui indiqué dans l'évaluation à la suite de travaux additionnels demandés par le consommateur.
Résumé de l'affaire
Action en réduction du prix de réparations, assortie d'une saisie avant jugement en revendication d'un bien. Demande reconventionnelle en réclamation du solde du prix des réparations. Action et demande reconventionnelle accueillies en partie et saisie avant jugement déclarée valide.
Le demandeur est propriétaire d'un véhicule de collection datant de 1958. En 1998, à la suite d'un accident, il l'a confié à la demanderesse, qui se spécialise dans la réparation de tels véhicules. Les parties se sont entendues avec l'assureur du demandeur sur le coût des réparations (22 181,89 $). Par ailleurs, le demandeur a décidé d'en profiter pour faire effectuer à son véhicule des travaux de rénovation et de remplacement de pièces. Selon la défenderesse, le coût de ces travaux additionnels était de 20 500 $, alors que le demandeur affirme que le coût convenu était inférieur. Le demandeur a toujours insisté pour payer en argent comptant et ne pas avoir de document écrit établissant la teneur des travaux et des transactions avec la défenderesse. L'assureur a versé à la défenderesse une avance de 13 000 $ avant le début des travaux et, pendant ceux-ci, le demandeur lui a donné une somme de 12 000 $ en argent comptant. Avant la fin des travaux, les parties se sont disputées au sujet du paiement du solde. La défenderesse exigeait le paiement total de ce qu'elle croyait lui être dû. Le demandeur a pratiqué une saisie avant jugement en revendication du véhicule. Le demandeur invoque une mauvaise exécution des travaux par la défenderesse et affirme que des travaux évalués à 3 288,56 $ sont requis pour remettre le véhicule dans l'état où il devrait être. En demande reconventionnelle, la défenderesse réclame le paiement du solde qui lui est dû.
Résumé de la décision
La défenderesse a exécuté le travail selon les règles de l'art et avait substantiellement terminé son contrat lorsque le demandeur a saisi le véhicule. Les relations entre les parties sont régies par la Loi sur la protection du consommateur. Le fait que l'assureur du demandeur ait négocié le coût des réparations avec la défenderesse ne change rien à la qualification de l'entente qui en a résulté et qui demeure un contrat de consommation. L'évaluation écrite préparée par l'assureur et acceptée par le demandeur et la défenderesse équivaut en l'espèce à l'évaluation requise par l'article 168 de la loi précitée. Elle contient tous les éléments exigés par l'article 170 de la loi. Par ailleurs, le demandeur a commandé, en plus des réparations, des travaux de rénovation non couverts par cette évaluation. Ces travaux de rénovation n'ont fait l'objet d'aucun autre document écrit, comme le requiert l'article 172. Le demandeur a certes donné son autorisation à ces travaux, mais celle-ci était verbale et ne respectait pas la formalité de l'autorisation écrite prévue à l'article 172. Le fait que le demandeur ne veuille pas de facture ne constitue pas une excuse permettant à la défenderesse de ne pas respecter la loi. Cela donne ouverture à l'application de l'article 272. La preuve établit de façon prépondérante que le demandeur avait convenu de payer à la défenderesse, en plus de l'indemnité de 22 181,89 $ payable par l'assureur, une somme de 20 500 $ pour les travaux de rénovation du véhicule. Comme le permet l'article 272 de la loi, les obligations du demandeur envers la défenderesse seront réduites à 3 250 $. Quant à la demande reconventionnelle, elle sera accueillie pour une somme de 14 431 $ puisque le demandeur devait encore 17 681 $ à la défenderesse.
L'une des sanctions au manquement du commerçant à son devoir de fournir une évaluation écrite au consommateur ou de ne pas réclamer un prix supérieur à l'évaluation écrite fournie est la perte du droit de rétention (art. 179). En l'espèce, au moment de la saisie avant jugement, la défenderesse avait reçu des paiements totalisant 25 000 $ et la seule évaluation écrite mentionnait un coût total de 22 181,89 $. Cela crée une situation où la défenderesse exigeait du demandeur un prix supérieur à celui indiqué dans l'évaluation. Elle perdait alors son droit de rétention. Toutefois, pour qu'une saisie avant jugement soit valide, le propriétaire qui revendique son bien doit le faire «contre le possesseur ou celui qui le détient sans droit» (art. 953 du Code civil du Québec). La défenderesse ne détenait pas le véhicule sans droit puisque le demandeur le lui avait confié pour faire des travaux de réparation et de rénovation. Cette possession était légitime jusqu'à l'accomplissement des travaux requis. Par contre, le demandeur pouvait interrompre cette possession et exiger que le détenteur lui remette son bien, ce que ce dernier était obligé de faire, à moins d'une justification légale. Comme la défenderesse avait perdu son droit de rétention, elle ne pouvait opposer une justification légale à la remise du bien. La saisie avant jugement est donc déclarée valide.