Résumé/Introduction
À la suite de l’arrêt de la Cour suprême dans Richard c. Time Inc., rendu le 28 février 2012, des organisateurs de loteries publi- citaires de type « sweepstake » doivent prendre garde de laisser croire faussement aux consommateurs qu’ils seront bénéficiaires de prix importants, voire de les déclarer millionnaires par des lettres leur annonçant un gros lot, dans le but de les inciter à s’abonner à l’un de leurs magazines ou services. Tel est l’avertis- sement envoyé par la Cour dans un jugement unanime où elle condamne Time Inc. et Time Consumer Marketing Inc. (les inti- mées) pour avoir adopté des pratiques commerciales interdites, faisant croire à Jean-Marc Richard (l’appelant) qu’il était gagnant d’un prix en argent de 833 337 $US dans un document intitulé « Avis officiel du concours Sweepstakes ».
Lorsqu’on s’arrête sur la somme totale accordée (16 000 $), on peut se demander si la portée du message n’est pas affaiblie... Outre un montant de 1 000 $ en dommages-intérêts compensatoires pour réparer le préjudice moral subi, une somme de 15 000 $ en dommages-intérêts punitifs a été accordée ; aura-t-elle véritable- ment un effet d’exemplarité et de dissuasion à l’égard de telles pratiques commerciales pour l’avenir ? Il est permis de soulever la question et d’entretenir un certain doute, en d’autres termes, un pyrrhonisme modéré.
Dans le contexte d’une campagne publicitaire commerciale qui, sans doute, n’a pas donné les résultats escomptés par ses auteurs, l’arrêt de la Cour suprême permet une interprétation téléologique d’une loi québécoise d’ordre public, la Loi sur la protection du consommateur. Elle met de l’avant son objectif premier de protéger les consommateurs qui doivent agir avec les commerçants dans un climat de confiance plutôt que de méfiance. La fina- lité de prémunir les consommateurs contre les dangers de cer- taines méthodes publicitaires se dégage de façon patente. Il suffit, selon la Cour, de tenir compte de l’impression générale qui ressort après un premier contact complet avec la publicité et du sens litté- ral des mots employés afin d’évaluer son caractère faux ou trom- peur. Dans la situation d’une publicité fausse ou trompeuse, si l’impression générale que la publicité est susceptible de donner chez le consommateur crédule et inexpérimenté est conforme à la réalité, il s’agit d’une pratique interdite.
Certes, ce test pave la voie à une sévérité accrue pesant sur les commerçants qui voudraient se prévaloir de publicités fausses ou trompeuses afin d’en retirer des bénéfices. L’identité du con- sommateur moyen est précisée : il n’est pas particulièrement aguerri pour déceler les faussetés ou les subtilités dans une publi- cité ; plus vulnérable, il est crédule.
Deux éléments de cet arrêt méritent une attention particu- lière, car ils peuvent prêter flanc à la critique. D’une part, l’iden- tité du consommateur retenue est celle d’un consommateur moyen, crédule et inexpérimenté, afin d’évaluer si l’impression générale donnée par une représentation commerciale est fausse ou trom- peuse. Il s’agit d’un abaissement du critère de la personne raison- nablement prudente et diligente.
D’autre part, au titre des dommages accordés, M. Richard reçoit un montant de 1 000 $ pour compenser le préjudice moral subi. La Cour ajoute un montant de 15 000 $ en dommages-inté- rêts punitifs. Si les dommages punitifs peuvent être accordés de façon autonome, selon l’article 272 L.p.c., en l’absence de toute réparation contractuelle ou de dommages-intérêts compensatoi- res, il est permis de relever leur quantum. Bien que caractérisé de « montant non négligeable »5 par la Cour, une somme de 15 000 $ correspond plutôt, à notre avis, à une valeur symbolique suscep- tible de stigmatiser, de faire mal à la notoriété de Time Inc. et Time Consumer Marketing Inc.