Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement interlocutoire de la Cour supérieure ayant rejeté des moyens préliminaires présentés à l'occasion d'un recours collectif. Rejeté.
À la suite d'un reportage télévisé ayant dénoncé la politique de certains fabricants de médicaments génériques de verser aux pharmaciens des primes, rabais, ristournes ou autres avantages, les intimés ont déposé une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif, prétendant que cette pratique illégale avait eu pour effet de hausser le prix des médicaments vendus à la Régie de l'assurance maladie du Québec et, du même coup, d'accroître la contribution financière obligatoire des usagers du régime d'assurance-médicaments. Avant que le recours ne soit autorisé, l'appelante et les autres sociétés pharmaceutiques intimées ont déposé deux requêtes, l'une contestant la constitutionnalité des modifications apportées à l'article 1002 du Code de procédure civile (C.P.C.) et l'autre invoquant l'incompétence ratione materiae de la Cour supérieure pour statuer sur le recours collectif. Selon elles, le recours envisagé par Option Consommateurs aurait pour conséquence d'amener le juge à fixer le prix des médicaments et le coût des primes, de la coassurance et de la franchise, des matières relevant du ministre de la Santé et des Services sociaux ou de l'Assemblée nationale. La première juge a refusé de statuer immédiatement sur la question constitutionnelle. Quant à la seconde requête, elle n'a fait état d'aucun risque que le tribunal saisi du fond s'approprie la compétence du ministre. Pour la première juge, la procédure n'est qu'une action en dommages-intérêts.
Décision
M. le juge Gendreau: La requête en autorisation de recours est un mécanisme procédural qui donne ouverture à un jugement de vérification du statut de représentant du requérant lui permettant de former une action collective. Le retrait de l'obligation de produire un affidavit et la limitation des interrogatoires à ceux autorisés par le juge assouplissent et accélèrent le processus du recours collectif sans pour autant le modifier fondamentalement et encore moins neutraliser le rôle du juge. Ce régime modifié ne viole pas non plus l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne car, d'une part, il permet la contestation du défendeur au stade préliminaire de l'autorisation en empêchant cependant que celle-ci ne dérive vers une défense au fond et, d'autre part, il laisse inchangées et applicables toutes les règles du procès civil dès la formation de l'action et jusqu'au jugement final. Les articles 1002 et 1003 C.P.C. sont donc valides. Quant à l'incompétence ratione materiae, la Cour supérieure n'est pas appelée à définir le prix garanti des médicaments offerts mais à décider si la preuve démontre que ce prix inclut des éléments interdits par la loi et leur valeur. Cet exercice ne changera pas le prix que le ministre a décrété. La Cour supérieure est donc compétente.