Résumé de l'affaire
Pourvoi à l'encontre d'un jugement de la Cour d'appel du Québec. Accueilli.
La Commission appelante fournit gratuitement au public un service de transport par autobus, avec guide, sur le territoire du Parc des champs de bataille nationaux de Québec, qu'elle administre en vertu de sa loi constitutive. Au cours des années, à une exception près où le travail a été confié à la Commission intimée, l'appelante a toujours contracté avec des entreprises ne détenant pas le permis de transport requis par la Loi sur les transports du Québec et dont l'administration, y compris la délivrance des permis, est en partie confiée à la Commission des transports du Québec. L'intimée a déposé une requête pour jugement déclaratoire en Cour supérieure demandant de déclarer que l'appelante ne peut offrir au public un service de transport sur le territoire qu'elle administre que par l'intermédiaire d'un détenteur de permis de transport délivré en vertu de la loi québécoise sur les transports. La Cour supérieure a rejeté la requête mais ce jugement a été infirmé par la Cour d'appel. Le présent pourvoi vise à déterminer si la Loi sur les transports et la réglementation adoptée sous son autorité sont applicables, en entier ou en partie, au service de transport touristique offert par l'appelante.
Décision
L'appelante ne saurait être soumise à l'obtention d'un permis en vertu de la Loi sur les transports du Québec si elle décidait de dispenser elle-même le service de transport touristique. Aux termes de l'article 36 de cette loi, nul n'est tenu d'obtenir un permis pour offrir un service sans rémunération. Les ouvrages, entreprises, services, choses ou personnes qui tombent sous l'empire de la compétence fédérale demeurent assujettis aux lois provinciales d'application générale pourvu, toutefois, que cet assujettissement n'ait pas pour conséquence que ces lois les atteignent dans ce qui constitue justement leur spécificité fédérale. C'est la responsabilité fédérale fondamentale à l'égard d'une chose ou d'une personne qui détermine ses dimensions expressément fédérales, celles qui font partie intégrante de la compétence fédérale exclusive sur cette chose ou cette personne. Lorsqu'il s'agit d'un service fédéral, sa spécificité est atteinte si la loi provinciale touche un élément vital ou essentiel de sa mise en place, de sa gestion ou de son exploitation. En l'espèce, le système de permis instauré par la Loi sur les transports du Québec et régi par le Règlement sur le transport par autobus est constitutionnellement inapplicable au service de transport touristique offert par l'appelante. L'établissement de ce service de transport sur le territoire du parc qu'elle administre fait partie intégrante du mandat confié à l'appelante par sa loi constitutive. Puisque la validité de cette loi n'est pas contestée, la compétence fédérale sur ce service doit donc être tenue pour avérée. L'analyse des dispositions législatives provinciales relatives à l'obtention d'un permis révèle l'impact massif et envahissant qu'elles ont indéniablement sur les éléments vitaux et essentiels du service fédéral. En effet, l'application de ces dispositions au service de transport offert par l'appelante aurait pour conséquence de soumettre la mise en place, la substance et le maintien du service fédéral de transport au contrôle largement discrétionnaire de la Commission des transports du Québec et du gouvernement provincial, alors que ces aspects sont de compétence fédérale exclusive. Le système de permis établi par la législation provinciale, envisagé globalement, ne saurait donc s'appliquer à l'appelante. Cependant, le service fédéral n'est pas nécessairement exempté de l'application des dispositions législatives provinciales portant sur la sécurité dans le domaine du transport, dont le respect se trouve assuré en vertu de la Loi sur les transports par un mécanisme distinct du système de permis. Les dispositions portant sur la sécurité sont généralement d'une nature telle qu'elles atteignent rarement un service ou une entreprise dans ses éléments vitaux ou essentiels. Le Parlement n'a pas incorporé par renvoi les dispositions provinciales relatives à l'obtention d'un permis de transport par le biais de la Loi relative à la circulation sur les terrains de l'État et du Règlement relatif à la circulation sur les terrains du gouvernement. En vertu de la législation fédérale, la conduite d'un véhicule est interdite sur un terrain fédéral «autrement qu'en conformité des lois de la province». La législation fédérale ne vise toutefois que le conducteur du véhicule. Or, en vertu de la législation provinciale, le permis de transport est juridiquement requis du transporteur ou de l'exploitant pour l'exploitation du service et non du conducteur pour la conduite du véhicule. Il n'y a donc aucun lien direct qui relie l'obligation d'obtenir un permis de transport au conducteur ou au véhicule auxquels le règlement fédéral fait référence. La doctrine de la prépondérance fédérale, selon laquelle une législation fédérale peut rendre inopérante une législation provinciale qui lui serait incompatible, est inapplicable en l'espèce puisqu'il n'a pas été démontré qu'il y a un conflit entre les législations fédérale et provinciale. Le transporteur qui assure le service de transport offert par l'appelante bénéficie de l'immunité d'application qui vise le service. Le concept de l'inapplicabilité constitutionnelle se rapporte ici au service fédéral, dont certains aspects vitaux seraient atteints par l'application des dispositions provinciales. Le statut de la personne qui dispense ce service n'est pas pertinent à cette fin; le système de permis est simplement inapplicable à l'égard du service. Toutefois, le transporteur n'est pas exempté sans réserve du système de permis administré par la Commission des transports. Il y demeure assujetti pour les activités qu'il peut exercer hors des balises du service confié par l'appelante.