Résumé de l'affaire
Demande de suspension d'une demande d'autorisation d'exercer une action collective. Rejetée. Demande pour permission de modifier une demande d'autorisation d'exercer une action collective. Accueillie.
Les 14 et 15 mars 2017, une importante tempête de neige s'est abattue sur le sud du Québec. Le 16 mars, le demandeur Lepage Forbes a déposé une demande d'autorisation d'exercer une action collective à l'encontre du procureur général du Québec et de la Ville de Montréal pour le compte du groupe proposé suivant: «Toutes les personnes qui ont été immobilisées dans un véhicule sur l'Autoroute 13 Sud à Montréal au cours de la période s'étendant du 14 mars 2017 à 19 h 00 jusqu'au 15 mars 2017 à midi.» Le 20 mars 2017, la demanderesse Berman a déposé une demande d'autorisation d'exercer une action collective à l'encontre des mêmes défendeurs pour le compte du groupe suivant: «All drivers and occupants of road vehicles who were left stranded on Highway 13 (including those on adjacent roads) on the evening of March 14th through the morning of March 15th, 2017.» Le même jour, Berman a déposé une demande de suspension de la demande d'autorisation de Lepage Forbes. Le 20 avril, avant l'audience sur cette demande, ce dernier a déposé une demande modifiée pour permission de modifier sa demande initiale d'autorisation d'exercer une action collective, dans laquelle les modifications portent: sur son remplacement à titre de demandeur par Beauchamp; sur l'augmentation de la taille du groupe pour inclure l'autoroute 520 Est; sur l'ajout d'une demande de condamnation à des dommages punitifs; et sur certaines corrections et précisions mineures. Le présent jugement concerne ces deux demandes.
Décision
Il y a litispendance entre la demande modifiée d'autorisation d'exercer une action collective du 20 avril 2017 de Lepage Forbes et celle de la demanderesse Berman puisqu'il y a identité de parties, d'objet et de cause. Dans Badamshin c. Option Consommateurs C.A., 2017-01-27), 2017 QCCA 95, SOQUIJ AZ-51360766, 2017EXP-478, la Cour d'appel a établi les critères suivants dans le cas de litispendance entre plusieurs demandes d'autorisation d'exercer une action collective: 1) la première demande d'autorisation d'exercer une action collective déposée au greffe est, en principe, celle qui sera entendue en priorité; 2) les demandes subséquentes sont, entre-temps, suspendues et ne seront entendues, dans l'ordre de dépôt, que si la précédente est rejetée; 3) la préséance dont jouit la première demande peut faire l'objet d'une remise en question par les avocats responsables des requêtes subséquentes; et 4) celui qui conteste la préséance a le fardeau d'établir que la demande qui en bénéficie n'est pas mue dans l'intérêt supérieur des membres putatifs mais constitue plutôt un abus de la règle Servier. Le juge appelé à se prononcer sur une demande de suspension d'une première demande d'autorisation exerce son pouvoir discrétionnaire. En fait, il doit déterminer si la preuve démontre que la première demande d'autorisation n'est pas mue dans l'intérêt supérieur des membres putatifs, c'est-à-dire que le demandeur représentant tente uniquement d'«occuper le terrain». En l'espèce, le fait que Lepage Forbes désire céder sa place à une autre personne en tant que partie demanderesse ne constitue pas, selon la preuve, une nullité ou invalidité ab initio de la demande d'autorisation d'exercer une action collective ni ne constitue un abus de quelque façon que ce soit. En outre, il est dans l'intérêt des membres et de la justice que la demande modifiée du 20 avril 2017 pour permission de modifier la demande initiale d'autorisation d'exercer une action collective du 16 mars soit accueillie. Ainsi, Beauchamp est substitué au demandeur Lepage Forbes pour être désigné représentant. D'autre part, il y a lieu de suspendre la demande d'autorisation de Berman en application de la règle Servier puisque c'est la deuxième déposée au dossier, et ce, jusqu'à ce que jugement final intervienne sur la demande d'autorisation dans l'autre dossier.