Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une requête en réclamation de dommages-intérêts (1 679 549 $). Accueilli en partie (110 795 $).
L'intimée, qui exploite une entreprise de récupération de résidus industriels métalliques, était liée contractuellement à l'appelante, qui lui vendait les déchets métalliques issus de ses activités. Nonobstant ses obligations contractuelles, l'appelante a unilatéralement résilié le contrat et a refusé de vendre ses résidus métalliques à l'intimée. Cette dernière a cessé d'effectuer des paiements pour les résidus reçus avant la résiliation du contrat et elle a poursuivi l'appelante, invoquant la perte de profit découlant du non-respect par celle-ci de ses obligations contractuelles. Le juge de première instance a conclu à une conduite fautive de l'appelante et a accordé à l'intimée des dommages-intérêts correspondant à la différence entre le prix payé et le prix de vente, moins les coûts d'exploitation de l'entreprise pour cette activité.
Décision
M. le juge Schrager: C'est avec raison que le juge a rejeté l'argument de l'appelante selon lequel l'intimée avait été en mesure de répondre à la demande de ses clients en utilisant des résidus métalliques provenant d'autres sources puisque l'intimée aurait pu vendre ces résidus ainsi que ceux qu'elle aurait dû acquérir de l'appelante si cette dernière avait respecté le contrat. Il est donc vrai que l'intimée a subi un préjudice en raison des manquements de l'appelante. Le juge a toutefois commis une erreur justifiant une intervention en ce qui a trait à la quantification de ce préjudice. Même si la preuve lui permettait de déterminer quelles quantités de résidus auraient probablement été obtenues par l'intimée, elle était muette quant aux coûts d'exploitation, hormis ceux reliés précisément au recouvrement des résidus et à leur revente à un client particulier. Or, il appartenait à l'intimée de faire la preuve de sa perte de profit, et cette absence de preuve est fatale. Il n'y a d'ailleurs pas lieu de renvoyer le dossier en Cour supérieure pour compléter la preuve puisque l'omission de l'intimée semble résulter d'un choix délibéré. Néanmoins, pendant l'audience, l'appelante a concédé que, malgré l'absence de preuve d'un préjudice ou d'une perte de profit, il était possible de retenir la position subsidiaire avancée par l'intimée en première instance et lui accorder l'équivalent du profit réalisé par l'appelante à la suite de la résiliation du contrat, en considérant le prix obtenu d'une tierce partie ainsi que les coûts reliés à ce nouveau contrat. Cette position peut trouver fondement dans Banque de Montréal c. Kuet Leong Ng (C.S. Can., 1989-09-28), SOQUIJ AZ-89111102, J.E. 89-1432, D.T.E. 89T-944, [1989] 2 R.C.S. 429, où a été reconnu le «principe moral selon lequel l'auteur d'une mauvaise action n'en retire pas des profits qui l'encouragent à mal faire». En l'espèce, l'intimée n'a pas fait la preuve de sa perte de profit, mais le juge a conclu que l'appelante avait profité de la résiliation du contrat, laquelle était empreinte de mauvaise foi. L'intimée aura donc droit à une somme de 110 795 $, correspondant aux profits réalisés par l'appelante après déduction des coûts afférents.