Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Accueilli.
L'appelant désire être autorisé à exercer un recours collectif au nom des abonnés du service de télédistribution numérique de Vidéotron qui utilisent le service Illico sur demande («canal 900») et qui ont commandé au moins une fois du contenu payant sous la rubrique «Films pour adultes — Torride» depuis le 1er février 2009 ou depuis la date effective à laquelle il y a eu diminution de la durée de location de 24 heures, si elle est postérieure à cette date. Il reproche à Vidéotron d'avoir diffusé des messages indiquant que la durée de location des films commandés était de 24 heures, ce qui était erroné puisqu'elle aurait varié de 9 à 18 heures. Il fonde son recours sur des violations à la fois aux articles 41, 219 et 228 de la Loi sur la protection du consommateur et aux articles 1400 et 1401 du Code civil du Québec, soit l'erreur provoquée par le dol. La juge de première instance a conclu que seul le critère énoncé à l'article 1003 d) du Code de procédure civile (C.P.C.) n'était pas rempli, car l'appelant n'avait ni mené d'enquête ni cherché à trouver d'autres abonnés ayant vécu une situation similaire à la sienne. Il n'a pas non plus fourni d'estimation du nombre de personnes lésées. Par ailleurs, la juge a estimé qu'autoriser le recours contreviendrait à la règle de la proportionnalité, analysée en conjonction avec l'exigence énoncée au paragraphe d) de l'article 1003 C.P.C., compte tenu de son caractère périlleux.
Décision
Mme la juge Bélanger: Seule la compétence de l'appelant est remise en cause. Or, ce critère est devenu minimaliste depuis Infineon Technologies AG c. Option consommateurs (C.S. Can., 2013-10-31), 2013 CSC 59, SOQUIJ AZ-51014011, 2013EXP-3509, J.E. 2013-1903, [2013] 3 R.C.S. 600, qui a précisé qu'aucun représentant proposé ne devrait être exclu, à moins que ses intérêts ou sa compétence ne soient tels qu'il serait impossible que l'affaire survive équitablement. Bien que le juge saisi de la demande d'autorisation ait besoin d'un minimum d'information sur la taille et les caractéristiques essentielles du groupe visé pour évaluer le respect du paragraphe c) de l'article 1003 C.P.C., le degré de recherche que doit effectuer un requérant dépend essentiellement de la nature du recours qu'il entend entreprendre et de ses caractéristiques. Si un nombre important de consommateurs se trouvent dans une situation identique, il devient moins utile de tenter de les identifier. En l'espèce, on peut présumer que les intimées possèdent toutes les données nécessaires à l'estimation du nombre d'abonnés visés par le recours ainsi que le nombre de locations de «Films pour adultes — Torride» effectuées par ces derniers. De plus, il est raisonnable de prétendre qu'une certaine proportion des quelque 1,8 million d'abonnés des intimées, même si elle est actuellement inconnue, loue de ces films. Dans ce contexte très précis, l'identification d'autres membres potentiels ou encore une approximation quant à leur nombre devient secondaire. En outre, le requérant n'était pas tenu de démontrer qu'il n'est pas le seul consommateur insatisfait de la situation, que plusieurs personnes sont dans la même situation que lui et que la durée de location est aussi importante pour tous les autres éventuels membres du groupe; aux fins de la requête en autorisation, la juge pouvait l'inférer. En fait, l'appelant a établi sa compétence en faisant la démonstration que, sur l'interface du «canal 900», différents chemins peuvent être empruntés pour commander du contenu sous la rubrique «Films pour adultes — Torride», que la durée de la location annoncée est généralement de 24 heures et que certains de ces chemins n'indiquent pas que la durée de location est moindre.
Tel qu'il est énoncé dans Lallier c. Volkswagen Canada inc. (C.A., 2007-06-27), 2007 QCCA 920, SOQUIJ AZ-50439486, J.E. 2007-1346, [2007] R.J.Q. 1490, l'exercice d'un recours collectif entraîne des coûts importants et ne doit pas être pris à la légère. Son autorisation doit donc satisfaire au critère de la proportionnalité. Celui-ci doit être évalué en appréciant chacun des critères établis à l'article 1003 C.P.C.; il ne constitue pas un cinquième critère indépendant. Ainsi, si un juge utilise son pouvoir discrétionnaire en conjonction avec l'un des critères énoncés à cette disposition, il doit le faire clairement. En l'espèce, la compétence du requérant n'est pas telle qu'il serait impossible que l'affaire survive équitablement. Puisque la juge n'explique pas en quoi son recours serait périlleux, et compte tenu du contexte particulier du présent dossier, il y a lieu d'autoriser l'exercice du recours collectif proposé. Toutefois, le groupe doit être mieux circonscrit dans le temps. Le recours sera donc autorisé pour la période qui correspond aux locations effectuées par l'appelant, soit entre le 1er février 2009 et le 13 juin 2011.