Résumé de l'affaire

Demande en injonction permanente. Accueillie.
En 1987, la requérante, qui est une firme d'ingénieurs-conseils en structure, a obtenu mandat de la Corporation d'hébergement du Québec (C.H.Q.) pour fournir ses services professionnels dans le cadre du projet de construction d'un centre de réadaptation. Quelques jours après la signature du contrat, les trois ingénieurs et actionnaires de la requérante ont décidé de se séparer. Ils ont prévu que le projet de la C.H.Q. serait transféré à la compagnie du professionnel qui avait traité avec la C.H.Q. mais, dans les faits, ce contrat est resté sous le nom de la requérante. Le 18 août 1992, la C.H.Q. a avisé la requérante du fait que son contrat était résilié car elle aurait contrevenu aux dispositions du contrat, d'une part, en le cédant à une autre firme huit jours après sa signature et, d'autre part, en étant dans l'impossibilité d'agir. La requérante demande au Tribunal d'ordonner à la C.H.Q. de respecter le contrat qui les lie et d'en poursuivre l'exécution.

Décision

D'une part, l'article 1202 C.C. prévoit une impossibilité d'agir qui résulte d'un cas fortuit et de la force majeure. Cet article est rédigé en fonction du débiteur de l'obligation et non du créancier de celle-ci. Comme la C.H.Q. est la créancière de l'obligation, elle ne pouvait invoquer cette disposition pour mettre fin au contrat. D'autre part, si la C.H.Q. prétendait que la requérante avait violé l'une des clauses du contrat en cédant celui-ci, elle devait demander judiciairement l'annulation du contrat et non décider unilatéralement qu'il était nul. La C.H.Q. a son autonomie propre et elle ne bénéficie pas des immunités de la Couronne, même si c'est une société entièrement subventionnée par le ministère de la Santé. Les règles du droit administratif peuvent s'appliquer à l'appel d'offres et au choix des soumissionnaires mais, une fois le contrat signé, ce sont les règles du droit privé qui doivent s'appliquer pour décider si la C.H.Q. pouvait unilatéralement annuler ce contrat et procéder à un nouvel appel d'offres. Or, la requérante est demeurée en vie à des fins d'exécution de contrats que l'un ou l'autre des associés ne voulait pas exécuter au nom de sa propre compagnie. La C.H.Q. ne pouvait unilatéralement annuler le contrat pour ce motif. La requérante demande deux types d'injonction, soit une injonction prohibitive et une injonction mandatoire. Or, il s'agit en l'espèce d'un contrat qui peut être exécuté en nature. À l'occasion de la demande d'injonction permanente, lorsque le droit à l'exécution en nature est acquis, le droit à l'injonction prohibitive l'est, en principe, lui aussi, tandis que l'injonction mandatoire est généralement soumise à la règle du «balance of hardship». En l'espèce, la requérante a les «mains propres» et n'a rien fait qui puisse induire la C.H.Q. en erreur ni lui causer préjudice. La conduite de la C.H.Q. était telle que la requérante n'avait pas d'autre recours que celui en injonction. Enfin, rien ne permet de croire que des tiers subiraient un préjudice du fait de la délivrance d'une injonction.


Dernière modification : le 5 août 2022 à 16 h 34 min.