Résumé de l'affaire

Appel par la voie d'un procès de novo d'un jugement de la Cour du Québec ayant reconnu l'appelante coupable sous deux chefs d'accusation lui reprochant d'avoir, à l'occasion d'une sollicitation téléphonique auprès de deux consommatrices, illégalement prétexté un motif, soit la remise d'un cadeau gratuit, pour solliciter auprès de celles-ci la vente d'un bien, soit des assortiments de photos, en contravention aux articles 230 b) et 277 a) de la Loi sur la protection du consommateur. Rejeté.

Une tierce compagnie a mis en vente un «passeport épargne» qui contenait notamment trois bons contre lesquels l'appelante offrait en prime une photographie de format «décorateur». Par la suite, des téléphonistes au service de l'appelante appelaient des consommateurs en vue de fixer un rendez-vous pour une séance de photos et un photographe prenait effectivement des photos des clients. Une semaine plus tard, des «conseillers en épreuve» se présentaient dans un local pour montrer aux consommateurs des épreuves de photos afin que ceux-ci puissent obtenir gratuitement la photo de leur choix. C'est au cours de cette dernière étape que des consommatrices ont été fortement incitées à acheter toutes sortes de produits de l'appelante, soit des cadres et des ensembles de photos, d'où les accusations faisant l'objet du présent appel.

Résumé de la décision

L'expression «prétexter un motif» contenue à l'article 230 b) de la Loi sur la protection du consommateur signifie «l'usage d'un subterfuge ou d'un moyen détourné pour camoufler le vrai motif ou but que l'on veut atteindre en utilisant un écran cachant la réalité» (Beauchamp c. P.G. du Québec (C.S., 1986-05-16), SOQUIJ AZ-86021312, J.E. 86-660, [1986] R.J.Q. 1752). Toutefois, il ne faut pas confondre un mensonge et un prétexte. En effet, un motif peut être faux, même si son objet existe véritablement. En fait, ce qui est important, c'est le but que l'on veut atteindre par opposition à celui que l'on manifeste. L'infraction énoncée à l'article 230 b) consiste à intervenir auprès d'un consommateur pour un motif déclaré, alors que le but de l'opération est de le solliciter pour la vente d'un bien différent ou la location d'un service différent. L'intervention auprès du consommateur exige plus qu'une simple offre d'une aubaine pour constituer un prétexte; il faut une prise de contact par le commerçant auprès du consommateur concerné, et non une prise de contact par le consommateur auprès du commerçant. Toutefois, il n'est pas requis qu'une vente ou une location suive nécessairement la sollicitation. En l'espèce, les deux éléments suivants de l'infraction ont été prouvés: l'intervention du commerçant et l'utilisation d'un motif étranger à la vente de photographies pour attirer la clientèle . De plus, il a été prouvé hors de tout doute que l'appelante désirait solliciter ceux à qui elle remettait une photo gratuite. En effet, tout le système qu'elle avait mis en place était orienté vers cette sollicitation pour la vente de photographies. Enfin, il a été prouvé que la sollicitation a effectivement eu lieu. L'appelante et son administrateur sont donc reconnus coupables des infractions reprochées. Le fait que d'autres entreprises similaires auraient agi de la même façon que l'appelante ne constitue pas une excuse. De plus, l'infraction reprochée n'a rien à voir avec les prix ni avec la qualité professionnelle du produit. Enfin, l'intention coupable ne constitue pas un élément à prouver puisque l'infraction en cause est de responsabilité stricte.


Dernière modification : le 19 octobre 1990 à 16 h 43 min.