Résumé de l'affaire

Pourvoi à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba ayant confirmé une décision de la Cour du Banc de la reine. Rejeté.
La Corporation des loteries du Manitoba («CLM») gère l'exploitation des appareils de loterie vidéo («ALV») dans la province. Ce faisant, elle conclut des accords avec des «exploitants de site» et installe dans leurs établissements des ALV dont elle conserve la propriété. Les appelants étaient des exploitants de site qui disposaient de plusieurs ALV générant des recettes dans leur établissement. En 1998, la ville de Winkler a tenu un référendum consultatif qui s'est révélé favorable à l'interdiction des ALV sur son territoire. L'année suivante, le gouvernement du Manitoba a adopté une loi sur les options locales (Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) (L.M. 1999, c. 44) («Loi sur les ALV»)) autorisant les municipalités à tenir des référendums décisionnels relativement à l'interdiction des appareils de loterie vidéo sur leur territoire. L'article 16 de la Loi sur les ALV mentionnait explicitement le référendum de Winkler, le considérant comme étant de nature décisionnelle et comme entraînant la résiliation de l'accord d'exploitation de site des appelants et le retrait des ALV de leur établissement. Les appelants ont contesté cette mesure législative en faisant valoir que l'article 16 violait les articles 2 b), 7 et 15 paragraphe 1 de la Charte canadienne des droits et libertés, et qu'elle excédait la compétence du gouvernement provincial du fait qu'elle empiétait sur la compétence fédérale exclusive en matière de droit criminel. Le juge des requêtes a rejeté ces arguments, et la Cour d'appel a confirmé sa décision.

Décision

M. le juge Major: La Loi sur les ALV, en entier, et l'article 16, en particulier, relèvent de la compétence législative de la province. Pour décider si la compétence législative nécessaire pour adopter la Loi sur les ALV existait, il faut analyser l'objet et les effets de cette loi pour en déterminer le caractère véritable. La Loi sur les ALV a pour objet de réglementer le jeu dans la province et de permettre à la population locale de s'exprimer sur la question des ALV, ces deux objectifs relevant de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le paragraphe 1 de l'article 16 porte précisément sur les accords d'exploitation de site, qui sont de nature contractuelle et qui, de ce fait, relèvent de la propriété et des droits civils. D'un point de vue plus général, les référendums municipaux habilitent chaque collectivité à décider si les ALV seront permis, et relèvent ainsi des matières d'une nature locale. La Loi sur les ALV n'est pas une tentative déguisée de légiférer en matière criminelle étant donné qu'elle ne comporte aucune conséquence pénale et que son objet ne relève pas du droit criminel. La moralité de la population locale peut influer sur le choix de certaines municipalités d'interdire les ALV par référendum décisionnel, mais cet aspect moral est accessoire au régime réglementaire global. En rendant expressément inapplicables les infractions en matière de jeu dans le cas d'une loterie mise sur pied par une province, le Code criminel confirme le double aspect du jeu, favorise la coopération fédérale-provinciale et écarte tout conflit sur le plan du fonctionnement de même que toute question de prépondérance. Enfin, la loi sur les options locales est un exercice valide de compétence législative et n'est pas une renonciation irrégulière, de la part de la législature, à sa compétence législative. L'application d'une interdiction légale des ALV dépend de l'issue d'un référendum, ce qui permet aux municipalités de décider de l'applicabilité de la loi sur leur territoire.

La loi ne portait pas atteinte aux droits garantis aux appelants par la charte. L'article 16 ne viole pas l'article 2 b) de la charte en privant les appelants du droit de voter. Bien que voter soit une forme d'expression protégée, il n'existe aucun droit constitutionnel de voter à un référendum étant donné qu'un référendum est une création de la loi. De plus, la Loi sur les ALV n'empêche pas les résidants de Winkler de voter sur la question des ALV lors d'un autre référendum. L'article 16 ne porte pas non plus atteinte aux droits garantis aux appelants par l'article 7 de la charte. Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne englobe les choix fondamentaux qu'une personne peut faire dans sa vie, et non des intérêts purement économiques. Enfin, il n'y a eu aucune atteinte aux droits garantis aux appelants par l'article 15 paragraphe 1. Le fait de résider à Winkler ne constitue pas un motif analogue de discrimination étant donné que rien n'indique que les résidants de cette municipalité subissent un désavantage historique ou quelque autre forme de préjudice. En outre, la mesure législative en question n'est pas réellement discriminatoire à l'endroit des appelants. Les résidants de Winkler ont été mentionnés à l'article 16 de la Loi sur les ALV parce que leur municipalité était la seule à avoir déjà tenu un référendum. Il n'y a eu aucune atteinte à la dignité. L'objet de l'article 16 était de respecter la volonté que les résidants de Winkler avait exprimée lors de ce référendum. Cet article n'a aucune incidence sur le droit des résidants de Winkler de voter à un référendum sur les ALV tenu en application de la loi, et il est loisible à ceux-ci d'organiser un référendum visant à permettre à nouveau l'exploitation d'ALV dans leur municipalité.


Dernière modification : le 30 juillet 2022 à 20 h 51 min.