Résumé

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête pour autorisation d'exercer un recours collectif. Rejeté.

Les appelantes désirent être autorisées à exercer un recours collectif au nom des personnes ayant un problème de santé mentale qui ont fait l'objet de refus de soins psychiatriques en application d'un protocole de sectorisation fondé sur des motifs géographiques. Ce protocole a été implanté par l'agence intimée avec l'accord et à la connaissance du procureur général du Québec. Les appelantes prétendent qu'il est discriminatoire, car il viole le droit des usagers de services de santé mentale au libre choix de leur établissement, contrairement aux autres usagers des services de santé. L'appelante a présenté sa demande de suivi à la clinique externe de psychiatrie de l'Hôpital Jean-Talon vers le 4 juillet 2003. Auparavant, elle avait été suivie en psychiatrie à l'Hôpital Notre-Dame jusqu'en avril 2002. En août 2003, elle a été informée que sa demande de suivi était rejetée. Le juge de première instance a conclu que le protocole n'était pas une source de préjudice, que rien dans la loi n'interdit aux professionnels de consulter un dossier avant de prendre la décision de traiter ou non une personne, que la responsabilité de l'agence intimée et du procureur général ne peut être retenue et que le groupe proposé n'était pas suffisamment homogène. Il a néanmoins estimé que l'Hôpital n'avait pas appliqué correctement la procédure d'accueil lors de la demande de rendez-vous de l'appelante et qu'il avait refusé sans droit d'inscrire sa demande alors qu'il avait l'obligation de le faire.

 

Décision

M. le juge Gagnon: Le juge de première instance a eu raison de conclure que le protocole était conforme à la loi. Celui-ci prévoit que l'usager qui maintient sa demande de rendez-vous après avoir été informé des avantages de la sectorisation et des inconvénients possibles à être suivi par un établissement situé en dehors de son secteur d'appartenance doit être inscrit sans discrimination dans les délais de service. C'est l'Hôpital qui a refusé d'accueillir l'appelante. Celle-ci a donc été l'objet d'une procédure d'accueil qui n'est pas celle de l'agence intimée. Par ailleurs, les appelantes n'ont pas démontré que cette procédure a eu comme conséquence de porter atteinte aux droits des usagers. Même en reconnaissant que le protocole en cause s'appuie en partie sur une distinction fondée sur la maladie mentale, cette distinction ne découle pas d'un stéréotype méprisant ayant eu comme conséquence de priver les usagers en soins de santé mentale d'un avantage prévu à la loi. L'obligation de déclarer son nom et son adresse dans le contexte de l'application du protocole n'est pas suffisante pour convenir que cette mesure crée un désavantage quant à l'accès aux soins résultant d'un préjugé ou d'un stéréotype. Il se peut que la procédure d'accueil ait pu avoir pour effet d'empêcher une personne d'exercer un libre choix ou de l'entraver dans l'exercice de ses droits, mais ce n'est pas la situation de l'appelante puisqu'elle a maintenu sa demande d'accès. De plus, l'obligation faite à l'usager de consentir à la communication du volet psychiatrique de son dossier médical ne viole en rien les droits des usagers. En ce qui concerne les conditions d'exercice du recours collectif, l'appelante n'a pas véritablement de cause d'action. Le rejet de sa demande n'est pas le fruit de l'application du protocole et l'Agence ne peut être tenue responsable des dommages qu'elle a subis. Le refus dont elle a été l'objet a été conditionné uniquement par une politique en matière d'accueil propre à l'Hôpital alors que les autres membres se plaignent de l'application préjudiciable du protocole. Il y a donc absence de communauté d'intérêts entre le groupe et sa représentante. De plus, les appelantes n'ont pas davantage expliqué les préjudices moraux et psychologiques qu'auraient subis les membres du groupe. En outre, la requête ne permet pas de distinguer, parmi les membres du groupe, les personnes qui, en dépit de l'application du protocole, ont de toute façon reçu les traitements souhaités de celles qui ont fait l'objet d'un refus d'accès. Parmi celles qui se sont vu refuser l'accès à l'établissement de leur choix, la requête ne précise pas lesquelles ont reçu un refus en raison d'une considération légitime prévue par la loi. De plus, le recours envisagé regroupe autant les usagers suivis activement par un établissement que ceux qui ne le sont pas. Enfin, la requête ne précise que de manière générale la nature des dommages pour lesquels une indemnité est réclamée. Si les appelantes n'ont pas été en mesure de convaincre le juge de première instance du bien-fondé de leurs prétentions à l'égard de l'Hôpital, établissement pourtant chargé de rendre les services professionnels de première ligne, la responsabilité de l'Agence et du procureur général est repoussée d'autant.


Dernière modification : le 30 juillet 2022 à 18 h 46 min.