Résumé de l'affaire:

L’appelant se plaint du bruit et de la pollution physique provenant d’une décharge que possède et exploite  la ville intimée. En application de la Loi de 1992 sur les recours collectifs de l’Ontario, il demande la certification d’un recours collectif où il représenterait quelque 30 000 personnes habitant à proximité de la décharge.  Le juge des requêtes conclut qu’il satisfait aux cinq conditions de certification prévues à l’art. 5 de la Loi et autorise l’appelant par ordonnance à poursuivre l’action comme représentant du groupe défini.  La Cour divisionnaire infirme l’ordonnance de certification, ayant conclu que l’appelant n’a pas établi l’existence d’un groupe identifiable et de questions communes.  La Cour d’appel partage l’avis de la Cour divisionnaire que l’existence de questions communes n’a pas été établie et déboute l’appelant.

Arrêt :  Le pourvoi est rejeté.

Décision

Mme la juge en chef McLachlin: Il faut interpréter libéralement la Loi de 1992 sur les recours collectifs pour lui donner plein effet. La loi a été adoptée pour donner aux tribunaux un instrument de procédure bien adapté leur permettant de statuer efficacement, en fonction de principes établis plutôt que cas par cas, sur les affaires de plus en plus complexes de l'époque actuelle.

En l'espèce, il existe un groupe identifiable au sens de l'article 5 (1) b). L'appelant a défini le groupe en recourant à des critères objectifs et on peut déterminer si une personne est membre du groupe sans se référer au fond de l'action. Sur la question de savoir si les demandes des membres du groupe soulèvent des questions communes, selon l'article 5 (1) c), la question sous-jacente est de savoir si le fait d'autoriser le recours collectif permettra d'éviter la répétition de l'appréciation des faits ou de l'analyse juridique. Par conséquent, une question n'est commune que lorsque sa résolution est nécessaire pour le règlement des demandes de chaque membre du groupe. Par ailleurs, une question n'est «commune» au sens voulu que s'il s'agit d'un élément important des demandes de chaque membre du groupe. En l'espèce, si chaque membre du groupe a une demande à faire valoir contre l'intimée, un aspect de la question de la responsabilité est commun au sens de l'article 5 (1) c). La question est de savoir s'il existe un lien rationnel entre le groupe tel qu'il est défini et les questions communes énoncées. S'il incombe au représentant proposé d'établir que le groupe est défini de manière suffisamment étroite, il n'est pas tenu de montrer que tous les membres du groupe partagent le même intérêt dans le règlement de la question commune énoncée. L'appelant a apporté la preuve requise. Il est suffisamment clair que de nombreuses autres personnes que l'appelant ont été préoccupées par le bruit et les rejets physiques provenant de la décharge. De plus, même si un nombre disproportionné de plaintes paraissent provenir de certaines parties du territoire décrit dans la définition du groupe, des habitants de nombreux autres secteurs compris dans ce territoire se sont plaints.

Toutefois, le recours collectif ne serait pas le meilleur moyen de régler les questions communes, comme l'exige l'article 5 (1) d). En l'absence de paramètres établis par le législateur, la question du meilleur moyen est fonction des trois principaux avantages du recours collectif: l'économie de ressources judiciaires, l'accès à la justice et la modification des comportements. Sur la question du meilleur moyen, il faut examiner l'importance des questions communes par rapport à l'ensemble des revendications. La question est censée viser la question de savoir si le recours collectif est un moyen préférable à d'autres procédures comme la jonction ou la réunion d'instances, ou la cause type. Le tribunal, dans l'analyse du meilleur moyen, doit examiner tous les moyens raisonnables offerts pour régler les demandes des membres du groupe, et non seulement la possibilité de recours individuels. L'appelant n'a pas établi que le recours collectif est le meilleur moyen de régler les demandes en l'espèce. En ce qui concerne l'économie de ressources judiciaires, toute question commune en l'espèce est négligeable par rapport aux questions individuelles. Même si chaque membre du groupe doit, pour obtenir réparation, prouver la pollution physique et sonore, il est probable que certains secteurs ont été touchés plus gravement que d'autres et que différentes parties du territoire ont été frappées à différents moments. Une fois la question commune considérée dans le contexte global de la demande, il devient difficile d'affirmer que le règlement de la question commune fera progresser substantiellement l'instance. Autoriser le recours collectif en l'espèce ne favoriserait pas non plus l'accès à la justice. Le fait qu'aucune réclamation n'a été présentée au fonds d'indemnisation permet de penser que les demandes des membres du groupe sont soit modestes au point d'être non existantes, soit suffisamment importantes pour qu'il vaille la peine d'engager des instances individuelles. Dans les deux cas, l'accès à la justice n'est pas une préoccupation sérieuse. Pour des motifs similaires, il faut écarter l'argument que la modification du comportement est une considération importante en l'espèce.


Dernière modification : le 23 juillet 2022 à 18 h 59 min.