Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une action en dommages-intérêts. Accueilli, avec dissidence.
Les deux compagnies d'assurances intimées sont subrogées dans les droits de leur assuré, dont la maison a été endommagée par un incendie causé par l'appelant au moment où il utilisait un chalumeau pour dégeler un tuyau. L'appelant, dont l'entière responsabilité a été confirmée dans un arrêt déposé le même jour dans l'affaire Gagné c. Gobeil (C.A., 1990-07-12), SOQUIJ AZ-90011852, J.E. 90-1147, [1990] R.R.A. 618, a présenté une requête visant à amender sa défense et son inscription en appel pour invoquer que les intimées ne peuvent exercer la subrogation contre lui parce qu'il doit être considéré comme une «personne faisant partie de la maison de l'assuré», au sens de l'article 2576 C.C. Cette requête est accueillie à l'unanimité.
Décision
M. le juge Bernier: Le voisin et ami de l'assuré qui, à la demande expresse de l'épouse de ce dernier, fait bénévolement des travaux dans l'immeuble de l'assuré pour remédier à une situation d'urgence doit être considéré comme une «personne faisant partie de la maison de l'assuré». En effet, lorsque le législateur a utilisé cette expression dans sa réforme législative du droit des assurances en 1974, il était conscient de l'interprétation libérale adoptée par la jurisprudence et la doctrine, qui avaient étendu le concept de maisonnée à toute personne se trouvant dans la maison et sous le contrôle du maître de la maison.
M. le juge Chouinard: L'interprétation large de l'expression «personne faisant partie de la maison de l'assuré» est conforme à la nature et à la finalité du contrat d'assurance de dommages aux biens. Le droit de l'assureur de réclamer à l'auteur du dommage l'indemnité versée n'est pas de l'essence du contrat et ne constitue qu'un accessoire, que le législateur a limité à l'article 2576 pour éviter que l'assureur ne poursuive en justice des personnes que l'assuré n'aurait pas poursuivies en raison des liens qu'il avait avec elles. En l'espèce, l'appelant était le préposé de l'assuré, le critère n'étant pas la rémunération mais le pouvoir de contrôle, même momentané.
M. le juge en chef Bisson, dissident: Le but visé par le législateur en décrétant l'exclusion prévue au premier alinéa de l'article 2576 C.C. était d'éviter que l'assureur, subrogé dans les droits de l'assuré qu'il a indemnisé, poursuive en justice des personnes qui, en raison de leurs liens avec l'assuré, n'auraient pas été poursuivies par ce dernier. On ne peut transposer à l'article 2576 C.C. l'interprétation large déjà donnée à l'expression «personnes de la maison du locataire», utilisée à l'article 1628 C.C. et que l'on retrouvait dans le chapitre du louage de choses, puisque les buts poursuivis par le législateur dans ces deux articles étaient différents. Dans l'optique de l'article 2576 C.C., on peut facilement concevoir comme faisant partie de la maison de l'assuré les membres de la famille, résident ou visiteur, les autres personnes qui y vivent ou y travaillent régulièrement, comme les domestiques, et les personnes qui viennent exécuter un travail ou posent des gestes sous la surveillance du maître des lieux ou selon ses instructions. Cette énumération n'est pas limitative mais permet de voir le genre de situations visées par l'exclusion prévue à l'article 2576. En l'espèce, l'appelant n'était pas un employé de la famille de l'assuré et il n'agissait pas conformément aux instructions ou sous la surveillance de l'assuré lorsqu'il s'est rendu chez ce dernier, à la demande de son épouse, pour dégeler un tuyau.