Résumé de l'affaire
Requête en réclamation d'une somme d'argent et de dommages moraux ainsi qu'en remboursement d'honoraires extrajudiciaires (139 877 $). Accueillie en partie (5 000 $). Demande reconventionnelle en réclamation de dommages-intérêts (80 370 $). Rejetée.
En décembre 2000, le demandeur a conclu une entente avec la défenderesse par laquelle il s'engageait, par l'entremise de la demanderesse, dont il est le seul actionnaire et administrateur, à rendre des services d'agent commercial. La défenderesse produit des suppléments alimentaires et des extraits botaniques pour suppléments alimentaires. Les demandeurs réclament une indemnité de 104 877 $ en raison de la rupture par la défenderesse du contrat qui les liait. Ils réclament également le remboursement de leurs honoraires extrajudiciaires (25 000 $) en raison de l'abus de droit de la défenderesse à leur égard ainsi que 10 000 $ à titre de dommages moraux pour la résiliation abusive du contrat. Cette dernière nie devoir quelque somme que ce soit puisque le contrat aurait été rompu pour des motifs sérieux. Par sa demande reconventionnelle, elle réclame des dommages-intérêts totalisant 80 370 $ pour des fautes commises par le demandeur à l'égard de deux contrats. Subsidiairement, la défenderesse fait valoir qu'elle pouvait résilier le contrat sans préavis ni indemnité étant donné qu'il s'agissait d'un contrat de services et non d'un contrat de travail comme le soutiennent les demandeurs.
Décision
Plusieurs arrêts de la Cour d'appel ont traité de la situation où une personne physique qui incorpore une entreprise dont elle est seule et unique propriétaire prétend être liée par un contrat de travail alors que l'autre partie, l'entreprise cliente, soutient plutôt qu'il s'agit d'un contrat de services. À la base, il s'agit d'un contrat entre deux personnes morales. Or, dans Conseillers en informatique d'affaires CIA inc. c. 4108647 Canada inc. (C.A., 2012-03-22), 2012 QCCA 535, SOQUIJ AZ-50841710, 2012EXP-1270, 2012EXPT-696, J.E. 2012-692, D.T.E. 2012T-221, la Cour d'appel a déterminé que c'est uniquement dans des situations tout à fait exceptionnelles que l'on peut faire fi de la personnalité juridique de la personne morale qui rend les services et conclure à l'existence d'un contrat de travail. Une telle situation exceptionnelle n'existe pas en l'espèce. En effet, la défenderesse n'a pas requis du demandeur qu'il agisse par l'intermédiaire d'une société incorporée. C'est à sa propre initiative qu'il a fondé la demanderesse. De plus, ni le demandeur ni la demanderesse n'avaient l'obligation d'agir exclusivement pour la défenderesse. D'ailleurs, en tout temps la demanderesse avait d'autres clients. Le demandeur n'était pas signataire de l'entente ni responsable des obligations de son entreprise. En outre, il n'a jamais été employé de la défenderesse avant la signature de l'entente. La demanderesse est propriétaire des outils de travail et c'est elle qui engage des dépenses. La preuve ne démontre pas de subordination juridique entre les parties, élément essentiel à tout contrat de travail. Le contrat unissant la demanderesse à la défenderesse était donc un contrat de services. Au fil des ans, l'entente a fait l'objet de modifications substantielles qui ont été acceptées par les deux parties, notamment lorsque le demandeur est devenu actionnaire de la demanderesse, en août 2001, et en ce qui concerne la rétribution de celui-ci. Il ne s'agit pas de simples modifications qui relèvent de l'évolution de la situation que les parties avaient envisagée au départ. Dans les faits, tout s'est passé comme si l'entente n'était plus en vigueur et qu'un nouveau contrat l'avait remplacée. Rien ne permet de conclure que les parties avaient autrement prévu un préavis de résiliation de 12 mois ou une indemnité en tenant lieu comme le réclame la demanderesse. Les demandeurs n'ont pas droit à une indemnité en vertu de l'article 2129 du Code civil du Québec ou en raison du manquement de la défenderesse à son obligation d'agir de bonne foi lors de la résiliation du contrat. Cette dernière pouvait résilier le contrat pour quelque motif que ce soit et elle n'a pas agi dans l'intention de nuire. La demande reconventionnelle de cette dernière n'est pas non plus téméraire au point de constituer un abus de son droit d'ester en justice. Par contre, la défenderesse a agi de façon cavalière et insouciante en saisissant avant jugement des biens dont elle était propriétaire et qu'elle était en droit de revendiquer. Elle aurait dû demander ces biens par écrit avant de les saisir, car rien ne pouvait laisser croire que leur conservation était en danger. Les honoraires extrajudiciaires auxquels la demanderesse a droit sont arbitrairement fixés à 5 000 $. Enfin, en l'absence de faute, la demande reconventionnelle est rejetée.


Dernière modification : le 10 août 2022 à 12 h 14 min.