Résumé de l'affaire
Appels de jugements de la Cour supérieure ayant accueilli en partie deux recours collectifs. Accueillis.
Dans le dossier no 500-09-022998-124, la membre désignée Dubé et son mari ont renouvelé un prêt consenti par l'appelante Banque de Montréal (BMO) pour un nouveau terme de cinq ans à un taux de 5,9 %. En cours de contrat, Dubé s'est prévalue à deux reprises du privilège lui permettant d'augmenter ses versements hebdomadaires ainsi que de celui de rembourser une portion du capital sans payer de pénalité. Lorsqu'elle a accepté une offre d'achat de l'immeuble grevé, la BMO lui a transmis un relevé de remboursement intégral et Dubé s'est acquitté des sommes réclamées. La pénalité découlant du remboursement avant l'échéance de son terme correspondait à trois mois d'intérêts sur le solde hypothécaire dû au moment du paiement. Or, dans le contexte d'un recours collectif, Dubé a prétendu que ce solde aurait dû être préalablement réduit de la portion du montant initial du prêt qu'elle pouvait annuellement rembourser par anticipation sans avoir à payer de pénalité. Ainsi, la pénalité aurait dû être établie en fonction d'un solde dû de 40 072 $ plutôt que de 58 072 $. Dans le dossier no 500-09-022992-127, l'intimé Brunelle a emprunté 205 000 $ de l'intimée Banque Toronto-Dominion (TD) et, insatisfait des services reçus, il a obtenu un financement ailleurs et a cherché à effectuer le remboursement intégral de son emprunt. La pénalité facturée a alors été établie en fonction du capital dû de 194 297 $, sans tenir compte du remboursement annuel anticipé dont il aurait pu se prévaloir et qui aurait réduit le capital dû à 163 547 $. Ces faits constituent le fondement de deux recours collectifs portant principalement sur l'existence d'une obligation pour une banque de ne calculer la pénalité qu'après avoir déduit la portion inutilisée du capital que l'emprunteur peut, en vertu du contrat, rembourser annuellement sans avoir à payer de pénalité. La juge de première instance a estimé que des ajouts aux textes de leurs contrats par les intimées en 2004 constituaient l'indication que les contrats conclus antérieurement permettaient l'exercice concomitant des privilèges de remboursement partiel anticipé sans pénalité et de remboursement intégral anticipé avec pénalité et qu'ils comportaient pour les appelantes l'obligation de fixer la pénalité en appliquant la réduction même si le remboursement partiel n'avait pas effectivement été fait. Dans ces circonstances, les appelantes avaient agi dans leur unique intérêt au détriment de ceux de leurs clients, contrevenant ainsi à la bonne foi qui devait gouverner l'exécution de leurs obligations contractuelles. En effet, même si l'emprunteur ne manifeste pas expressément son intention de se prévaloir du privilège de remboursement partiel anticipé et sans pénalité, son remboursement intégral anticipé oblige automatiquement l'institution bancaire à l'exempter d'une partie de la pénalité comme s'il avait déjà effectué le remboursement partiel maximum autorisé permis pour l'année civile en cours.
Décision
M. le juge Gagnon: La juge a retenu que les termes des contrats conclus avec TD ne faisaient pas obstacle à l'exercice concurrent des privilèges de remboursement anticipé, avec et sans pénalité. Or, pour profiter du rabais sur la pénalité, l'application des privilèges devait être successive afin que la réduction du capital découlant du remboursement partiel soit calculée avant que ne soit établie l'indemnité que devraient verser les emprunteurs au moment du remboursement intégral. Quant aux contrats conclus avec BMO, le langage utilisé exclut expressément l'exercice simultané des privilèges. Ainsi, les privilèges de remboursement sans pénalité doivent s'exercer avant le remboursement intégral, qui exige le paiement d'une prime. Alors que la juge a déduit des modifications apportées en 2004 une reconnaissance d'une obligation d'accorder systématiquement les deux privilèges de manière simultanée si l'emprunteur rembourse intégralement son prêt, cette déduction fait abstraction du contexte des changements effectués, faisant fi de leur aspect purement préventif. Par ailleurs, l'interprétation de la juge selon laquelle le remboursement intégral comprend nécessairement la portion du capital exemptée de la pénalité va à l'encontre de ce dont avaient convenu ses signataires. L'absence de questions de la part des emprunteurs au moment du remboursement est une indication qu'ils avaient bien compris la situation et que le paiement sans protestation des pénalités résultait vraisemblablement du fait qu'ils avaient omis de revoir leurs contrats. Le contenu de leurs relevés ne les avait donc pas induits en erreur. Dans les circonstances, celui qui voulait profiter d'une pénalité moindre n'avait qu'à effectuer le remboursement partiel anticipé, sans plus, puisque le remboursement intégral ne permettait pas de présumer de l'exercice simultané d'un autre privilège de remboursement anticipé également prévu au contrat. Par conséquent, les appelantes n'avaient pas à déduire systématiquement du solde hypothécaire, servant à établir la pénalité, des remboursements partiels anticipés que les emprunteurs n'avaient pas effectués durant l'année civile en cours. Les contrats ne comportaient d'ailleurs aucune obligation implicite à cet égard et il n'y pas eu manquement à une obligation de bonne foi. En effet, l'avantage retiré par les appelantes avait été convenu pour les indemniser au cas où les emprunteurs exerceraient leurs droits. Au moment du remboursement intégral, les appelantes n'avaient pas à tenir compte d'un remboursement partiel anticipé que les intimés avaient négligé ou omis d'effectuer.