En bref
Les frais de conversion exigés par la Banque Amex du Canada pour chaque transaction effectuée en devises étrangères constituaient des frais distincts du taux de conversion de devises étrangères et non une composante de ce dernier et, comme ils n'ont pas été divulgués, ils ne pouvaient être réclamés par Amex, en application de l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur.
Les frais de conversion facturés aux détenteurs de cartes de crédit pour des achats en devises étrangères doivent être divulgués en vertu tant de la Loi sur la protection du consommateur que de la Loi sur les banques.
Le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en concluant que la doctrine de l'exclusivité de compétences ne s'appliquait pas et que l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur, qui oblige tout commerçant, y compris les banques, à divulguer les frais imposés aux consommateurs, n'empiétait pas sur la compétence fédérale en matière de droit bancaire.
Le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en condamnant la Banque Amex du Canada à rembourser les frais de conversion qu'elle a illégalement perçus lorsque les détenteurs de cartes de crédit effectuaient des paiements en devises étrangères; toutefois, il n'y avait pas lieu de la condamner à payer des dommages exemplaires de 2,5 millions de dollars.
La Banque Amex du Canada n'a pas démontré que le juge de première instance avait erré en n'appliquant pas l'article 1699 alinéa 2 C.C.Q. et en ordonnant la restitution des prestations, soit le remboursement des frais de conversion qu'elle a illégalement perçus.
Étant donné que l'ordonnance de recouvrement collectif rendue par le juge de première instance comportait déjà un aspect punitif, il n'y avait pas lieu de condamner la Banque Amex du Canada à payer des dommages exemplaires.
Résumé de l'affaire
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie un recours collectif en remboursement de frais de crédit et en réclamation de dommages exemplaires. Accueilli en partie.
Entre 1993 et 2003, l'appelante, Amex Bank of Canada, a ajouté des frais de commission variant de 1 % à 2,2 % pour chaque transaction effectuée en devises étrangères, alors que le contrat de crédit variable n'y faisait pas référence. Le contrat informait toutefois les détenteurs de cartes de crédit qu'un taux de conversion serait exigé. En décembre 2002, Amex a fait l'objet d'une réprimande par l'Agence de la consommation en matière financière du Canada pour ne pas avoir divulgué ces frais conformément à la Loi sur les banques. À partir du mois de février 2003, elle a informé ses clients que le montant des transactions en devises étrangères allait être converti en dollars canadiens à un taux de change donné, lequel inclurait un rajustement du taux de conversion de 2,2 %. Depuis 1990, l'intimé, Adams, détenait une carte de crédit American Express émise par Amex qu'il utilisait à des fins personnelles et professionnelles. Reprochant à Amex de lui avoir imputé une commission ou des frais de conversion cachés, il a intenté un recours collectif au nom de deux groupes afin d'obtenir le remboursement de ces frais ainsi que le paiement de dommages exemplaires. Le premier est constitué de consommateurs et le deuxième, de non-consommateurs. Le juge de première instance a accueilli en partie le recours et a condamné Amex à rembourser 9 561 464 $ au premier groupe et 3 536 432 $ au second, en plus de devoir payer 2,5 millions de dollars au groupe de consommateurs à titre de dommage exemplaire. Le juge a ainsi conclu que la commission constituait des frais distincts du taux de conversion de devises étrangères et non une composante de ce dernier, contrairement à ce que prétendait Amex. Par conséquent, comme ils n'avaient pas été divulgués, il a conclu que ces frais ne pouvaient être réclamés par Amex en application de l'article 12 de la Loi sur la protection du consommateur ni en vertu des principes généraux de droit civil. De plus, il a retenu qu'Amex avait fait des représentations fausses ou trompeuses au sens de l'article 219 de la Loi sur la protection du consommateur. Amex reproche au juge d'avoir conclu que la doctrine de l'exclusivité de compétences ne s'appliquait pas et que les dispositions de la loi n'empiétaient pas sur la compétence fédérale en matière de droit bancaire. Subsidiairement, si la loi s'applique à elle, Amex soutient que le recours des membres du premier groupe est prescrit, qu'il ne s'agit pas de frais de crédit au sens de la loi, que l'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur ne s'applique pas et qu'elle n'a pas fait de représentations fausses ou trompeuses. Enfin, elle s'oppose à la restitution des prestations en vertu de la loi ou du Code civil du Québec (C.C.Q.).
Résumé de la décision
M. le juge Dalphond: Le jugement de première instance repose sur la conclusion du juge selon laquelle les frais de conversion n'ont pas été divulgués et que, par conséquent, ils ne pouvaient être imposés aux détenteurs de cartes de crédit en vertu de l'article 12, pour le premier groupe, ou des principes généraux du Code civil du Québec, pour le second groupe. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'analyser les dispositions de la loi relatives aux frais de crédit. Par ailleurs, la Loi sur la protection du consommateur n'a pas pour objet de régir les relations contractuelles des banques. Il s'agit plutôt d'une loi d'application générale qui vise tous les commerçants, y compris les banques. Ces dernières doivent donc la respecter, à moins qu'elle n'entre en conflit avec une disposition législative fédérale, ce qui n'est pas le cas. En effet, l'obligation de divulgation prévue à l'article 12 n'entre pas en conflit avec l'article 452 de la Loi sur les banques, qui oblige les banques à divulguer les frais relatifs à l'utilisation des cartes de crédit. De plus, le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en concluant que les frais de conversion étaient distincts du taux de conversion de devises étrangères, et non une composante de ce dernier, et qu'Amex devait les divulguer dans les contrats la liant aux détenteurs de cartes de crédit. Les frais ayant été payés par erreur ou alors qu'ils n'avaient pas à l'être, la restitution des prestations est le recours approprié. Amex n'a pas démontré que le juge avait commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en n'appliquant pas l'article 1699 alinéa 2 C.C.Q. et en ordonnant la restitution des prestations, soit le remboursement des frais de conversion qu'elle a illégalement perçus. Toutefois, étant donné que l'ordonnance de recouvrement collectif rendue par le juge de première instance comportait déjà un aspect punitif, il n'y avait pas lieu de condamner Amex à payer des dommages exemplaires de 2,5 millions de dollars.