Résumé de l'affaire

Pourvoi contre un arrêt de la Cour d'appel de la Saskatchewan. Accueilli.
L'intimé, un agriculteur de la Saskatchewan, a contracté des prêts auprès de la banque appelante et lui a accordé deux hypothèques sur ses biens immobiliers et une sûreté sur une faucheuse, conformément à l'article 88 de la Loi sur les banques (par la suite l'art. 178 de la Loi de 1980 remaniant la législation bancaire et l'art. 178 de la Loi sur les banques). L'intimé a fait défaut et, en août 1984, la banque a, conformément à la Loi sur les banques, saisi la faucheuse et intenté une action en exécution de son contrat de prêt hypothécaire immobilier. En défense aux procédures de forclusion, l'intimé a allégué que la banque ne lui avait pas signifié l'avis d'intention de saisir exigé en vertu du Limitation of Civil Rights Act, de la Saskatchewan et a demandé le rejet des procédures de forclusion. Il a également intenté une action en annulation du contrat de sûreté et en recouvrement des sommes versées en vertu de celui-ci, comme le prévoit cette loi. La banque a répliqué qu'elle n'était pas assujettie à la loi en ce qui concerne les procédures engagées en vertu de la Loi sur les banques. En novembre 1985, les parties ont, par avis de requête, demandé à la Cour du Banc de la Reine de se prononcer sur la question de savoir si une banque à charte était tenue de se conformer au Limitation of Civil Rights Act pour l'exécution d'une sûreté établie en vertu de la Loi sur les banques. Le juge en chambre a conclu que la banque n'était pas tenue de se conformer à la loi provinciale. La Cour d'appel, à la majorité, a infirmé cette décision. La question principale en l'espèce consiste à savoir si une sûreté établie conformément aux articles 178 et 179 de la Loi sur les banques peut être constitutionnellement assujettie aux procédures d'exécution des sûretés prévues par le Limitation of Civil Rights Act, de la Saskatchewan. Le pourvoi porte également sur la constitutionnalité des dispositions pertinentes des lois fédérale et provinciale. Les questions constitutionnelles dont cette Cour est saisie consistent à savoir: 1) si les articles 19 à 36 du Limitation of Civil Rights Act excèdent en totalité ou en partie les pouvoirs de la province; 2) si les articles 178 et 179 de la Loi de 1980 remaniant la législation bancaire excèdent en totalité ou en partie les pouvoirs du Parlement; et 3) si les articles 178 et 179 de la Loi de 1980 remaniant la législation bancaire entrent en conflit avec les articles 19 à 36 du Limitation of Civil Rights Act de façon à rendre ces articles inopérants à l'égard de garanties prises, conformément à l'article 178, par une banque à charte.

Décision

Les première et deuxième questions constitutionnelles reçoivent une réponse négative. Quant à la troisième, les articles 19 à 36 du Limitation of Civil Rights Act ne s'appliquent pas à une garantie prise conformément aux articles 178 et 179 de la Loi sur les banques. Sous réserve des questions de prépondérance, les articles 19 à 36 du Limitation of Civil Rights Act relèvent de la propriété et des droits civils dans la province. La compétence fédérale en matière d'opérations bancaires permet au Parlement d'établir une nouvelle forme de financement et de définir, d'une façon complète et exclusive, les droits et obligations des emprunteurs et des prêteurs en vertu de cette sûreté. Le Parlement, dans l'exercice de cette compétence, peut créer la sûreté visée aux articles 178 et 179 en tant que sûreté et définir les droits et obligations de la banque et des emprunteurs en vertu de cette sûreté. Les droits et obligations des créanciers et des débiteurs ne peuvent être déterminés qu'en fonction de la Loi sur les banques. La sûreté visée en l'espèce a pour but de permettre aux banques de consentir des prêts ou des avances de fonds à certaines catégories d'emprunteurs, moyennant garantie portant sur certains biens précis, y compris des prêts et des avances de fonds à tout agriculteur pour l'achat de matériel agricole mobilier, moyennant garantie portant sur ce matériel. La sûreté établie par l'article 178 a pour effet de conférer à la banque le titre de propriété sur le bien en question lorsque la sûreté est réalisée. L'article 179 permet à la banque de vendre ces biens en totalité ou en partie et prévoit que le produit de la vente servira à régler la dette en question. Ces dispositions viennent compléter le droit de la banque, en vertu de l'article 178 (3), de prendre possession des biens visés par la sûreté en cas de non-paiement. Il ne peut y avoir de cloison étanche entre les opérations bancaires comme activité générale et le domaine visé par la propriété et les droits civils. Les retombées sont inévitables. Le fait qu'un aspect donné de la loi fédérale sur les opérations bancaires ne puisse s'appliquer sans avoir de répercussions sur la propriété et les droits civils dans les provinces ne saurait justifier une conclusion que cette loi est inconstitutionnelle pour le motif qu'elle empiète sur le droit provincial lorsque la matière visée fait intégralement partie de la compétence législative fédérale. La sûreté établie par les articles 178 et 179, quoiqu'elle déroge à la loi provinciale, est conforme à la compétence du Parlement à cause des raisons de principe à l'origine de l'adoption de cette sûreté. Elle répondait au besoin urgent d'offrir à l'échelle nationale un mécanisme de sûreté uniforme pour faciliter aux producteurs de produits de base et aux fabricants l'accès aux capitaux. Elle libérait les emprunteurs et les prêteurs de l'obligation de se soumettre à divers régimes de crédit provinciaux et permettait aux banques de réaliser plus facilement leur sûreté accessoire. Cela comportait également des avantages importants pour l'emprunteur: une obtention de crédit moins compliquée et plus accessible. La manière dont une banque peut réaliser la sûreté visée à l'article 178 n'est pas une simple formalité du régime général de la loi; elle constitue plutôt le pivot même de la sûreté. Elle fait partie intégrante et est inséparable du régime législatif. Le fait de supprimer les dispositions portant sur la réalisation irait à l'encontre de l'objet précis de la sûreté de la Loi sur les banques, car les banques seraient alors obligées de se conformer à toutes les particularités et à toutes les variables des divers régimes provinciaux. Il y a un conflit réel d'application entre les articles 178 et 179 de la Loi sur les banques et les articles 19 à 36 du Limitation of Civil Rights Act, et, par conséquent, ces derniers articles sont inopérants à l'égard de garanties prises conformément à l'article 178 par une banque à charte. L'intention du Parlement risquerait d'être écartée si la banque devait respecter la loi provinciale pour réaliser sa sûreté. La Loi sur les banques prévoit que le créancier peut, en cas de défaut de la part de l'emprunteur, saisir les biens visés par la sûreté; le Limitation of Civil Rights Act interdit au créancier d'entrer immédiatement en possession des biens donnés en garantie sous peine de résolution de la sûreté. Le droit absolu de saisie que la loi fédérale accorde à la banque est limité par la loi provinciale aux cas où une autorisation est accordée par un juge qui applique les critères formulés par la province en ce qui concerne le moment et les circonstances où la saisie peut avoir lieu. Une législature provinciale ne peut pas restreindre de cette façon un droit accordé et défini dans une loi fédérale, même si le seul effet de la loi provinciale serait de retarder la capacité de la banque de prendre possession des biens visés par la sûreté. Il est impossible de se conformer aux deux textes lorsqu'il est raisonnable d'affirmer que l'application de la loi provinciale aura pour effet de déjouer l'intention du Parlement. La sûreté de l'article 178 ne serait plus reconnaissable comme telle si la loi provinciale pouvait surajouter des conditions régissant sa réalisation en plus de celles qui se trouvent dans la Loi sur les banques.


Dernière modification : le 15 août 2022 à 16 h 46 min.