en bref
Mécontente du service rendu à son époux dans un garage, la défenderesse a tenu des propos diffamatoires sur Facebook, lesquels dépassaient le compte rendu neutre d'une situation ayant suscité de l'insatisfaction.
Le tribunal a condamné la défenderesse à des dommages punitifs, notamment afin de prévenir la diffusion de propos diffamatoires sur Facebook, qui constitue un média social susceptible d'avoir une grande efficacité sur le plan de la communication et de la diffusion de tels propos.
La défenderesse, qui a tenu des propos diffamatoires sur Facebook, est condamnée à payer 5 000 $ à titre de dommages-intérêts ainsi que 5 000 $ en dommages exemplaires.
Étant donné qu'aucune évaluation écrite des coûts n'a été remise au consommateur avant l'exécution des réparations à son véhicule, le contrat liant ce dernier au garage est déclaré nul (art. 272 de la Loi sur la protection du consommateur).
Résumé de de l'affaire
Requêtes en réclamation de dommages-intérêts. Deux des quatre requêtes sont accueillies en partie (10 000 $). Demande reconventionnelle en réclamation de dommages-intérêts (5 000 $). Rejetée.
La demanderesse Leduc est la fille de la demanderesse Bouffard. Cette dernière est administratrice et actionnaire de la demanderesse, 9080-5128 Québec inc., faisant affaire sous le nom de Garage Reid. Le défendeur Ogilvy, le conjoint de la défenderesse Morin, est propriétaire d'Équestre Ogilvy inc. En 2009, les parties se sont liées d'amitié alors que leurs filles pratiquaient l'équitation. Le 11 août 2009, Ogilvy a retenu les services du Garage Reid pour la réparation de son véhicule. Durant le mois de septembre, il a reçu une facture de 940 $. Deux mois plus tard, Ogilvy a été avisé que ses problèmes de freins persistaient parce que ceux-ci n'étaient pas de la même marque que sa voiture. Mécontente de la situation, Morin a publié sur le site Internet Facebook des propos visant les réparations effectuées au véhicule et d'autres portant sur la relation qu'elle avait entretenue avec Bouffard à l'écurie. Garage Reid réclame d'Ogilvy et d'Équestre Ogilvy le solde contractuel de 940 $ pour la réparation du véhicule. Pour leur part, les autres demandeurs réclament des sommes variant entre 55 000 $ et 165 000 $ en dommages-intérêts au motif que les défendeurs ont porté atteinte à leur réputation. Alléguant que ce recours est abusif, les défendeurs réclament 5 000 $ à titre d'honoraires extrajudiciaires. Ils soutiennent que les sommes réclamées dans le contexte de l'action en diffamation sont hors de proportion et que cette exagération visait à les intimider. Ils ajoutent que le recours contre Équestre Ogilvy inc. est voué à l'échec.
résumé de la Décision
Garage Reid a omis de remettre à Ogilvy une évaluation écrite des coûts avant d'effectuer les réparations à son véhicule. Il s'agit d'un manquement à la condition de forme prévue à l'article 168 de la Loi sur la protection du consommateur. De plus, Bouffard a admis avoir fourni une évaluation qui ne correspondait pas au coût la réparation puisqu'elle ne connaissait pas le temps de travail requis. En outre, elle n'a pas inscrit sur la facture l'escompte de 35 % qu'elle avait accordé aux défendeurs. Cette situation contrevient aux conditions de fond énoncées à l'article 170 de la loi. Dans ces circonstances, le contrat entre Ogilvy et Garage Reid est déclaré nul (art. 272 de la loi). Quant au recours en diffamation, celle-ci est définie comme étant la communication de propos ou d'écrits qui ont pour effet de faire perdre l'estime d'une personne ou la déconsidère, ou encore suscite, à l'égard de celle-ci, des sentiments défavorables ou désagréables. La nature diffamatoire des propos s'analyse selon une norme objective. Ainsi, il faut se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d'un tiers. En l'espèce, Morin a 426 «amis Facebook», lesquels proviennent du milieu équestre. Plusieurs d'entre eux sont anglophones et certains résident aux États-Unis. Or, les propos publiés sur ce site étaient péjoratifs, injurieux et visaient à susciter chez une personne raisonnable une opinion défavorable. Ceux-ci dépassaient le compte rendu neutre d'une situation ayant suscité de l'insatisfaction. Lus dans leur ensemble, ils permettaient d'identifier la personne visée comme étant la propriétaire du Garage Reid, soit Bouffard. D'autre part, des propos méprisants la qualifiant de «parvenue nouvelle-riche» insinuaient qu'il s'agissait d'une personne indésirable. Leduc était aussi visée par ces derniers propos et insinuations. De plus, le message transmis à une tierce personne contenait également des commentaires insultants à l'égard des demanderesses. Enfin, le 23 novembre 2009, Morin a transmis à Leduc un courriel dans lequel elle mentionnait que Bouffard était menteuse, malhonnête et dégoûtante. Or, les propos en litige ont certainement, dans la période concomitante de leur diffusion, nui à l'image de Bouffard et de Leduc. Toutefois, même si Morin a plusieurs amis Facebook, la diffusion de ses dires a probablement eu une portée beaucoup plus limitée en ce qui a trait à leur compréhension. En effet, ceux-ci ont été publiés en français et seules les personnes qui savaient que Morin avait entretenu une relation d'amitié avec Bouffard ont pu en comprendre le sens. En outre, les écrits n'ont été publiés que pendant deux jours sur le site Internet. Dans ces circonstances, Bouffard à droit à 4 000 $ en dommages-intérêts et Leduc, à 1 000 $. D'autre part, l'objectif d'une condamnation au paiement de dommages punitifs vise à sanctionner une conduite répréhensible et à prévenir la récidive. Or, Facebook est un média social susceptible d'avoir une grande efficacité sur le plan de la communication et de la diffusion. Quiconque utilise ce média pour donner libre cours à ses pensées ne peut qu'en être conscient et son usage pour la diffusion de propos diffamatoires doit être découragé. En conséquence, Morin doit également verser 3 000 $ à Bouffard à titre de dommages exemplaires et 2 000 $ à Leduc. Quant à la demande reconventionnelle, elle doit être rejetée, car les recours des demandeurs n'étaient pas sans fondement.